Est-ce pour cette raison que Hiroshima a récemment figuré dans le palmarès établi par le Nikkei MJ ?
Y. H. : En effet. L’année 2016 a été, en termes d’exposition médiatique, une année extraordinaire. La visite du président Obama en juin a été un moment fort, tout comme la victoire de notre équipe de base-ball dans le championnat. Tout cela a contribué à faire parler de notre région et en définitive amené ce journal à l’inclure dans son palmarès annuel. C’est d’autant plus notable et important que c’est la première fois, je crois, qu’une préfecture est choisie pour y figurer.
Vous venez d’évoquer la victoire des Carp dans le championnat de base-ball. Est-ce, d’après vous, une des raisons pour lesquelles Hiroshima suscite de l’intérêt chez les jeunes ?
Y. H. : C’est possible, mais je crois qu’il faut chercher la raison dans l’histoire qui a entouré ce succès, notamment le retour du vétéran Kuroda qui a décidé de quitter le championnat professionnel américain pour revenir dans “sa” ville. Son attitude a beaucoup touché les gens. Par ailleurs, il convient d’ajouter la nature du fonctionnement de l’équipe elle-même. Les Carp sont en quelque sorte le petit Poucet du base-ball japonais. L’équipe n’a pas beaucoup d’argent et ne bénéficie pas de gros sponsors qui peuvent investir parfois à perte dans un club. Du coup, l’équipe doit avoir une gestion saine et des comptes toujours à l’équilibre. Cela signifie qu’elle ne peut pas se payer des joueurs trop gourmands financièrement et qu’elle mise surtout sur des jeunes qu’elle va contribuer à former et à rendre célèbre. Ce fonctionnement atypique pour une équipe professionnelle au Japon est sa marque de fabrique. Cela lui vaut de bénéficier d’un très large soutien populaire. A ce niveau également, les Carp se distinguent du reste des autres équipes du championnat dans la mesure où le club dispose d’une base féminine de fans unique dans le pays. Plus de la moitié des spectateurs qui vont au stade pour assister aux matchs des Carp sont des femmes. C’est quelque chose de tout à fait incroyable pour la plupart des Japonais qui sont habitués à voir des stades majoritairement remplis d’hommes.
Est-ce que cette équipe symbolise en quelque sorte l’état d’esprit qui règne au niveau de la préfecture elle-même ?
Y. H. : Oui je crois. L’équipe a été fondée alors qu’elle n’avait pas de sponsors. Elle s’est tout de suite imposée comme un club de citoyens, proche de la population. Même si Mazda, le constructeur automobile local, s’est ensuite impliqué dans son soutien financier, les difficultés économiques ne lui ont pas permis de se comporter comme les sponsors des autres équipes. Dès lors, les Carp ont dû s’appuyer sur les habitants de la région et ce sont eux qui ont soutenu financièrement et mentalement le club pendant toutes ces années. Le lien est particulièrement fort entre eux. C’est une situation unique dans le pays. D’ailleurs, on peut ajouter que l’équipe est la seule au Japon à être présentée comme étant l’équipe de Hiroshima. En général, les clubs sont présentés par leur nom, mais la nôtre est aussi bien présentée sous son nom de baptême Carp que sous celui de Hiroshima. Cela en dit long sur l’importance du lien qui existe entre l’équipe et la région.
D’après vous, cela favorise l’attractivité de la région ?
Y. H. : Il y a quelque temps je me trouvais dans la préfecture de Mie [qui se trouve entre Ôsaka et Nagoya]. L’un de mes collaborateurs m’a raconté que dans un restaurant alors qu’il prenait son dîner, une jeune femme lui a demandé s’il venait de Hiroshima. Quand il lui a répondu que oui, elle s’est empressée de lui dire qu’elle se rendrait le lendemain pour assister au match des Carp au stade Mazda Zoom Zoom, à Hiroshima! Cette jeune femme appartient à ce qu’on appelle les “Carp Joshi” [les Carpettes], c’est-à-dire cette vaste base de supportrices qui existe un peu partout dans le pays, et pas seulement à Hiroshima. C’est quelque chose de tout à fait étonnant et je ne peux pas m’empêcher de penser que cela contribue à favoriser l’image de notre région. C’est tellement vrai que des agences de voyage organisent des séjours à Hiroshima réservés aux femmes pour assister à un match et avoir d’autres activités. Ça se vend comme des petits pains.
De quelle autre façon se manifeste le regain d’intérêt pour Hiroshima ?
Y. H. : On commence par exemple à voir des gens qui viennent s’installer dans notre région. Certains même quittent des grandes villes comme Tôkyô pour revenir vivre à Hiroshima, mais le plus intéressant peut-être ce sont ceux qui n’ont aucune attache particulière avec la région et qui décident d’y emménager. Au cours des cinq dernières années, on a enregistré un accroissement du nombre de ces installations.