Plutôt que de baisser les bras devant la concurrence, Takemoto Shigeru regarde vers d’autres horizons.
La zone autour de la gare de Musashi Nitta, au cœur de l’arrondissement d’Ôta a beaucoup changé ces dernières années. On trouve désormais un magasin de jeux devant le sanctuaire Yaguchichû Inari Jinja. A en juger par son état désolé, on comprend pourquoi les gens disent que ce quartier a connu des jours meilleurs. Avant, les machikôba ne manquaient pas. Beaucoup ont fermé, ce qui n’est pas le cas de Nisshin Industrial. Employant une vingtaine de personnes, elle est spécialisée dans l’ingénierie de moulage par injection. Elle a remporté deux fois le prix de la meilleure usine de l’arrondissement et son directeur, Takemoto Shigeru, a lui aussi été distingué. Au pays des discours feutrés, il fait partie de ces rares personnes qui n’ont pas peur de parler franc et de révéler les “vérités horribles” qui se cachent derrière les discussions d’entreprise. “Les gens ici veulent seulement vous montrer les bonnes choses concernant le Japon. Mais pour moi, le plus important est de s’attaquer aux problèmes et surtout de tenter de les résoudre”, dit-il.
M. Takemoto nous guide dans la petite usine. Dès que nous entrons, il montre un moule posé sur une table de travail. “Pour le moulage par injection, nous fondons d’abord le plastique en granulés et l’introduisons dans ce baril chauffé”, explique-t-il. Il nous conduit ensuite jusqu’à une grande machine de moulage Toshiba qui fabrique de petites pièces de voiture utilisées pour les serrures de portières. “Le moule reste à une température définie de sorte que le plastique peut se solidifier dès que le moule est rempli. Ces pièces sont assez faciles à faire pour que le piston avance à une vitesse de 10 mm par seconde. Mais quand nous avons besoin de faire des objets de formes très inhabituelles, sa vitesse descend à 1 mm par seconde.”
Tout cela est très impressionnant, mais Takemoto Shigeru atténue rapidement notre enthousiasme. “Beaucoup de gens disent que la technologie japonaise de moulage par injection est la meilleure du monde, mais ce n’est vrai qu’en partie”, dit-il. “En matière de moulage par injection plastique, par exemple, les entreprises japonaises ont 20 ans de retard sur l’Europe. Alors quand j’y suis allé, j’ai réussi à établir de bons contacts avec quelques sociétés françaises et italiennes. J’espère que ce n’est que le début d’une collaboration plus étroite à partir de laquelle chacun sera en mesure de gagner quelque chose.” Bien que l’Europe soit la meilleure sur le plan technologique, la principale concurrence au Japon provient de ses voisins. “La Chine, la Corée et Taïwan sont très compétitifs en raison de leurs bas prix. Ils n’ont aucun avantage technologique sur nous, mais ils sont capables de maintenir très bas le coût de la main-d’œuvre. Cela représente un grand avantage. Malheureusement, tout le monde privilégie le bon marché par rapport à la qualité. Pour beaucoup de machikôba japonaises, la seule façon de survivre est de s’adapter à ce système. Nous sommes devenus les esclaves des grandes entreprises qui dictent les règles du jeu”, regrette-t-il. “C’est vraiment dommage. Dans le passé, les grandes et les petites entreprises avaient l’habitude de collaborer et de se soutenir mutuellement. C’était plus comme un partenariat, et les entreprises d’Ôta ont pu prospérer.”