Mais le quotidien, né de la fusion de 11 journaux locaux en novembre 1942 après la décision des autorités de l’époque de n’avoir qu’un grand titre par région, ne se pense pas simplement comme une publication régionale. Avec 7 correspondants à l’étranger (Washington, Séoul, Pékin, Bangkok, Londres, Moscou et Ioujno-Sakhalinsk), le Hokkaidô Shimbun entend aussi apporter une information internationale susceptible de répondre aux attentes d’un lectorat conscient de l’importance d’être au courant des évolutions de l’actualité dans certaines parties du monde. La création d’un bureau à Ioujno-Sakhalinsk, capitale administrative de l’île de Sakhaline, en est la meilleure illustration puisque cette région russe proche de Hokkaidô constitue un important débouché pour les entreprises locales et permet aussi d’être mieux informé sur la situation dans les Kouriles du Sud, ces îles occupées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale par la Russie et revendiquées par le Japon. Les “Territoires du Nord” (hoppô ryôdo) comme les Japonais les désignent constituent un sujet important dans la mesure où, au-delà de l’aspect diplomatique, le sujet touche à l’économie (pêche, développement), à l’histoire et à la culture de Hokkaidô. Le thème bénéficie d’un suivi particulier de la part du journal. En 2013, ses articles publiés pendant deux ans sur l’histoire territoriale russo-japonaise lui ont valu de recevoir le prix de la meilleure série journalistique décerné par l’Association japonaise des éditeurs de presse. La qualité de son contenu est reconnue dans l’ensemble de l’archipel et il n’est pas rare que les revues de presse à la radio et à la télévision fassent référence au Hokkaidô Shimbun.
“Un journal doit faire grand cas d’esprit critique et de curiosité et il doit les protéger en toutes circonstances. A cela s’ajoute l’information de proximité. L’esprit d’une publication proche de ses lecteurs doit être aussi au cœur de nos priorités. C’est ce qui constitue l’ADN de Dôshin”. Cela résume parfaitement la philosophie du quotidien qui ne se contente pas de rapporter des faits divers et des événements locaux. Au cours des dernières décennies, il s’est distingué par ses enquêtes, ses scoops et son engagement à l’égard de la région. La faillite de la banque Hokkaidô Takushoku Ginkô en novembre 1997 liée à ses créances douteuses a été l’occasion pour le journal de se distinguer avec la publication de nombreuses informations exclusives. Son travail d’investigation dans l’affaire de corruption présumée de la police locale en 2003 a renforcé son aura de quotidien au service de la vérité. “Nous défendons une certaine neutralité au niveau politique”, confie Nueno Takaharu. “Cela ne nous empêche pas de prendre des positions claires sur des sujets qui nous semblent déterminants pour la région ou le pays”. Le Hokkaidô Shimbun a ainsi manifesté son opposition au Partenariat Trans-Pacifique, le traité de libre-échange qui concernait les Etats-Unis et onze pays de la zone Asie-Pacifique dont le Japon. Même si Donald Trump a décidé de s’en retirer début 2017, le gouvernement japonais a pris l’initiative de le relancer ce qui n’est pas très bien vécu par les agriculteurs locaux inquiets des conséquences d’une ouverture du marché sur leur production. Fidèle au principe de proximité avec son lectorat, le quotidien a souvent mis en évidence les effets négatifs qu’un tel accord pourrait avoir sur l’économie de Hokkaidô, en particulier son agriculture, la première du pays puisqu’elle représente 13,2 % du revenu agricole national loin devant les autres préfectures. Elle est également numéro un au niveau de la pêche avec une part de 19,4 % du revenu national dans ce secteur. Il est donc normal que le Hokkaidô Shimbun fasse entendre sa voix sur ce sujet comme il le fait également sur celui très délicat des transports, notamment ferroviaires. La situation difficile de la compagnie JR Hokkaidô qui multiplie les fermetures de lignes ou encore la création d’une ligne à grande vitesse pour mettre Sapporo à moins de 4 heures de Tôkyô occupent souvent les gros titres du quotidien. “Ce sont des sujets qui intéressent tous les habitants et suscitent des débats. Pour le train à grande vitesse, nous y sommes favorables car cela permettra de désenclaver la région et d’amener des touristes. Nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde que bon nombre de nos lecteurs vivant en dehors de Sapporo”, reconnaît Nueno Takaharu conscient néanmoins que l’avenir économique de la région dépend en grande partie de son développement touristique. Aussi le Hokkaidô Shimbun se mobilise-t-il sur les abandons de lignes ferroviaires, en rappelant “la responsabilité de l’Etat” en la matière. Le journal estime en effet que JR Hokkaidô ne peut assurer seul l’entretien d’un réseau exposé plus qu’ailleurs à des conditions climatiques très rudes.