En dévorant les deux premiers volumes de ce magnifique manga distingué, en 2019, par le prix Tezuka Osamu et par le grand prix de la Japan Cartoonist Association, le souvenir du film Stalag 17 de Billy Wilder (1953) m’est revenu en mémoire, car les deux principaux protagonistes de Sengo semblent inspirés par les personnages du sergent J. J. Sefton (William Holden) et de Stanislas “Animal” Kasava (Robert Strauss) pour les traits et même le caractère de Kawashima Toku et Kuroda Kadomatsu. Comme dans le long métrage, on retrouve dans l’œuvre signée Yamada Sansuke le désir de montrer que certains parviennent à conserver en eux cette dose d’humanité sans laquelle notre monde finirait par totalement disparaître.
Pourtant, l’auteur ne se prive pas de rappeler les horreurs de la guerre, notamment dans le tome 2 où l’on découvre comment des hommes ordinaires pouvaient se transformer en bêtes féroces sous la pression d’un commandement leur demandant de prouver qu’ils sont de “vrais soldats de l’empire”. Il faut vivre avec ces souvenirs, mais il faut aussi apprendre à tourner la page, et ce n’est évidemment pas facile. Grâce aux personnalités très tranchées, mais attachantes de Kawashima et de Kuroda, le mangaka nous offre une œuvre très profonde que l’on prend plaisir à lire d’autant plus que, du point de vue graphique, Yamada Sansuke se montre également très doué. On ne saurait donc que recommander vivement l’acquisition de cette série qui vaut pour le témoignage qu’elle apporte sur cette époque assez méconnue en France de l’immédiat après-guerre japonais. Avec ces deux ouvrages signés Onoda et Yamada, les amateurs d’histoire contemporaine trouveront leur bonheur.
Gabriel Bernard
références
AU NOM DU JAPON (WAGA RUBAN SHIMA NO 30-NEN SENSÔ), de Onoda Hirô, trad. par Sébastien Raizer, éd. La Manufacture de livres, 20,90 €
SENGO (AREYO HOSHIKUZU), de Yamada Sansuke, trad. par Sébastien Ludmann, 9,95 € le volume. Deux volumes déjà parus.