Le sujet du manque de procréation est consubstantiel de la fragilisation de la cellule familiale. Qu’est-ce qui explique, selon vous, cette tendance ?
M. J. : Il est triste d’entendre les jeunes dire qu’un enfant coûte trop cher. La joie d’avoir un enfant est remplacée par le prix que vaut un enfant. Les jeunes évaluent froidement le mariage et la procréation en “kosupa” (pour “cost performance”). A partir du moment où un enfant est évalué en sacrifices, en devoirs multiples et en gouffre financier (entre 20 et 40 millions de yens jusqu’à sa sortie de l’université), ils considèrent qu’il y a sans doute d’autres façons plus gratifiantes d’investir leur temps et leur argent…
Je me souviens d’une étude remontant à 1987 effectuée dans différents pays qui interrogeait les jeunes sur leurs motivations pour avoir un enfant. Parmi les six pays considérés, le Japon arrivait en troisième position (19,3 %) derrière la Corée (48,3 %) et la Thaïlande (69,8 %) avec des réponses du genre “pour poursuivre la lignée familiale” ou “pour être reconnu par la société”. La réponse “pour le plaisir d’avoir un enfant”, qui obtenait le score maximum en France (76,6 %), n’obtenait que 20,6 % au Japon. On voyait que les réponses en provenance des trois pays asiatiques étaient nettement liées à une obligation sociale et familiale, la notion de plaisir arrivant loin après celle de devoir. Aujourd’hui, les jeunes procréent par accident (dekichatta) ou pour eux. L’idée de devoir assurer une descendance à sa famille ou au pays est en train de disparaître et, comme vient de me le rappeler une amie écrivain de 90 ans, personne ne pense à repeupler le pays !