Face à l’appauvrissement des ressources poissonnières, la journaliste Sasaki Hiroko a décidé de mobiliser la profession.
La cuisine japonaise est une cuisine de la mer, tout le monde le sait. Mais peu, même parmi les Japonais, savent que la mer se vide autour de l’archipel. Que la quantité de poissons pêchés ne représente plus que 40 % de celle de la “meilleure époque”, et que la moitié des poissons consommés au Japon est importée. Sasaki Hiroko, responsable de l’association Chefs for the Blue milite pour diffuser cette réalité et défend le principe d’une pêche durable comme solution à ce problème.
Journaliste gastronomique, cela fait maintenant dix ans qu’elle s’intéresse à la question. Plus elle constate l’absence de législation et la situation désastreuse de la mer, plus le sentiment de devoir remplir cette mission sociale, en tant que journaliste, s’accroît.
C’est pourquoi elle a décidé de fonder l’association Chefs for the Blue, il y a deux ans et demi de cela. Sa particularité, comme son nom l’indique, est d’être constituée de cuisiniers. Elle en explique la raison par le fait que les chefs sont non seulement les spécialistes de la cuisine, mais aussi une passerelle entre les consommateurs et les producteurs. Ils peuvent fournir les bonnes informations à leurs clients.
On trouve plus de 800 restaurants de sushi rien que dans le centre de Tôkyô… D’ailleurs, l’association compte parmi ses membres l’un des plus influents chefs sushi, qui, lors d’une conférence, a proposé à ses confrères de ne pas utiliser de thon lors de la période de ponte.
L’association Chefs for the Blue s’emploie à organiser des journées d’étude ou des conférences, mais aussi différents événements pour les consommateurs, ou encore à publier des articles dans différents supports de presse afin de sensibiliser les lecteurs. Hiroko estime que l’absence d’information et d’intérêt à propos de la situation catastrophique dans laquelle se trouve la mer est dangereuse, et trouver encore des poissons sur les étals de la grande distribution suffit à donner l’illusion à de nombreux Japonais que les ressources sont abondantes alors qu’ils peuvent être issus de l’importation. Ils ont aussi tendance à accuser les pays voisins, croyant que la diminution des stocks est uniquement liée à leur surpêche.
“Le but de notre association n’est pas de dissuader la consommation de poisson. Le métier de chef consiste avant tout à faire la cuisine avec des produits, dont les poissons. C’est pour pouvoir continuer à pêcher et à déguster de bons produits que nous menons ces actions”, insiste la journaliste. Pour cela, tantôt elle soumet des rapports à l’agence de la Pêche, tantôt elle collabore avec d’autres associations, ou rencontre des députés…
La liste des problèmes est longue, mais elle ne perd pas espoir. “Il faut que la politique, les filières de la pêche et les consommateurs bougent en même temps. L’Angleterre a profité des Jeux olympiques de Londres pour apporter de grands changements. Nous pouvons également saisir cette occasion durant laquelle le Japon s’ouvre à l’international pour prendre des initiatives. Nous ne pourrons évidemment pas tout changer d’un coup, mais cela vaut la peine d’essayer si l’on peut changer ne serait-ce qu’une petite partie”, ajoute-t-elle. Mieux nous informer, c’est le premier pas pour faire revivre notre mer.
Sekiguchi Ryôko