La gastronomie de Hagi est riche et variée. Ville de montagne, elle fait également face à la mer du Japon et jouit de ce fait d’une quantité importante de variétés de poissons. En effet, près de 250 espèces différentes sont ainsi pêchées tout au long de l’année garantissant une tradition culinaire riche en produits de la mer. Reculée à l’extrême pointe sud de Honshû, la mer a également joué un rôle majeur dans le développement et l’histoire de cette cité. Elle lui a notamment conféré cette position stratégique et militaire qui lui a permis de s’illustrer, notamment durant l’ère Edo (1603-1868). Depuis sa fondation en 1604 par Mori Terumoto, la ville fortifiée n’a quasiment pas changé. Si de son château détruit sur ordre du gouvernement au moment de la restauration de Meiji (1868), il ne reste que quelques ruines, l’aura de ce temps passé est restée intact. Cet ancien fief-clé du shogunat “a eu la chance de ne pas avoir été endommagé lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale, tout comme Nara et Kyôto”, précise Kozaki Masato, responsable de l’office de tourisme de la ville.
Historiquement, la modeste ville de Hagi a été la scène de grandes batailles et a joué un rôle majeur au moment de la restauration de Meiji. La partie sud-ouest du Japon était alors divisée en plusieurs domaines, ceux de Satsuma, Chôshû, Tosa et Hizen. Hagi était comprise dans le fief de Chôshû, qui fut par la suite désigné comme le “Lieu d’accélération de la restauration”. Lors de l’arrivée des bateaux noirs du commodore Perry, ces vaisseaux américains arrivés le long des côtes japonaises à la fin de l’ère Edo dans le but d’obtenir l’ouverture du pays replié sur lui-même depuis le XVIIe siècle et l’établissement de relations diplomatiques, les femmes et les enfants de Hagi ont farouchement participé à la défense de leur ville, en participant à la construction de monticules sur la plage de Kikugahama. De ce passé, la ville a conservé une architecture très hiérarchisée, fascinante à étudier et à observer. Par exemple, les quartiers impeccablement conservés du Hagi-jô Jôkamachi (quartiers du château) représentent un précieux témoignage du quotidien des samouraïs durant l’ère Edo, en grandeur nature. Hagi est un véritable musée à ciel ouvert où chaque bâtiment raconte une histoire de la vie d’autrefois. La préservation est si importante qu’il est tout à fait possible de se promener sans se perdre dans ce quartier, tout en s’orientant avec des cartes de plus de 300 ans.
Inscrit au registre national des sites historiques, Hagi-jô Jôkamachi multiplie les allées étroites, les luxueuses maisons marchandes, les arbres d’agrumes alignés le long des palissades blanches immaculées. L’ancien quartier samouraï côtoie les grandes résidences marchandes, dont celle de Kikuya, qui mérite incontestablement une visite. Cette dernière fut réquisitionnée par le gouvernement Tokugawa afin de servir d’accommodation (honjin) au clan Hagi. “Après la restauration de Meiji, les samouraïs se sont retrouvés sans emploi, certains se sont révoltés. A Hagi, ils sont nombreux à avoir opté pour une reconversion dans la culture du natsumikan, un agrume qui ne se mange pas cru, mais à partir duquel on confectionne des confiseries, des glaces ou encore des jus de fruits. C’est Obata Takamasa qui a ouvert cette voie. A l’époque, ce fruit était considéré comme un mets rare, coûteux et précieux”, rappelle Kozaki Masato.
Petit à petit, Hagi s’est adapté au nouvel environnement politique apparu à la fin de l’ère Edo et au début de l’ère industrielle. Le premier Premier ministre japonais, Itô Hirobumi, était par ailleurs natif de Hagi et il est toujours possible de visiter la maison où il a vécu. Au cœur de la ville, trône la Meirinkan, une ancienne école qui a célébré ses 300 ans l’an passé et qui rayonne dans la préfecture pour avoir éduqué les samouraïs de la région. Elle est aujourd’hui devenue un musée. Si la ville a permis l’émergence de grandes figures politiques dans l’histoire du pays, elle a aussi été le berceau d’intellectuels majeurs comme par exemple, Yoshida Shôin, qui fut exécuté à l’âge de 29 ans mais qui durant sa courte vie, s’est illustré dans une révolte lors de l’ouverture du pays. A Hagi, ce dernier avait repris l’école de son oncle, la Shôka Shonjuku où il a entrepris d’enseigner à ses élèves l’écriture de divers essais. Furieux de la signature en 1858 du Traité d’amitié et de commerce entre les Etats-Unis et le Japon qu’il trouvait injuste, il a participé à un complot qui a visé à assassiner un seigneur du shogunat, ce qui lui valu d’être exécuté l’année suivante.
Aujourd’hui encore, “Yoshida Shôin est perçu comme une figure clé de cette époque, l’école où il a enseigné, est encore très visitée par des Japonais qui viennent expressément de tout l’archipel dans ce but”, assure le responsable du tourisme local. “S’il n’a pas enseigné très longtemps, ses étudiants étaient des héritiers de familles de samouraïs qui ont par la suite intégré la Meirinkan, et pour certains sont devenus des figures emblématiques et dirigeantes du nouveau gouvernement de Meiji qui a fait du Japon un pays moderne et leader sur la scène internationale. Ses préceptes ont donc dépassé les frontières de la préfecture de Yamaguchi pour s’étendre à l’ensemble de l’Archipel.”