Tsuyu est également une saison très colorée, principalement grâce à l’abondance des hortensias, connus sous le nom de fleur de la saison des pluies. Ils sont partout : jardins, berges de rivières, parcs, parcelles en bord de route, comme des constellations de nouveaux-nés roses, blancs et lilas. Les nénuphars jaunes et les iris violets ou blancs font également un beau spectacle dans les jardins des temples et les étangs. Les trompettes violettes des gloires du matin, les grandes roses trémières brillantes, les tournesols éclatants et quelques azalées persistantes garantissent que ces jours de pluie sont tout sauf moroses. En effet, c’est lorsque la pluie tombe que l’atmosphère des jardins japonais est la plus envoûtante.
La combinaison de la pluie, de la chaleur et de l’humidité rend l’ensemble luxuriant et verdoyant. Tout espace non pavé redevient rapidement une épaisse végétation, noyée dans des vrilles rampantes et des épines qui poussent. C’est un vert préternaturel qui détend l’œil et pénètre l’esprit, de la mousse souple et élastique aux forêts de bambous ondulantes qui ornent les collines. Grâce à la pluie chaude incessante, les montagnes sont constamment entourées d’une brume magique, qui s’élève des forêts comme sur un vieux dessin à l’encre de Chine (sumi-e). Des nuages en forme de vampires se déversent et coulent sur les flancs des montagnes, tandis que des arbres solitaires se dressent comme des fantômes sur les crêtes.
La saison des pluies est également le moment idéal pour profiter des sources d’eau chaude (onsen). S’asseoir à l’extérieur, laisser mijoter ses os dans un bain chaud, tout en contemplant les montagnes qui s’élèvent dans la brume puis disparaissent à nouveau dans un kaléidoscope en constante évolution. Si vous vous trouvez près de la mer Intérieure, vous remarquerez que les îles portent toutes des couronnes de nuages pendant la matinée. La brume s’élève comme de la vapeur sur les flancs des collines. Même lors des pluies les plus fortes, les hirondelles de maison restent perchées, gazouillant joyeusement sur les câbles téléphoniques, comme si elles chantaient sous la douche. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la saison des pluies est un moment d’inspiration pour les poètes et les artistes japonais.
Cela dit, n’oubliez pas de vous munir d’un parapluie. “Un grand, pas un petit”, comme le conseille un ami. La saison des pluies se termine aussi brusquement qu’elle a commencé. Un jour, vous vous réveillez avec un ciel bleu éblouissant. L’Agence Nationale de Météorologie confirme que c’est fini pour cette année. Et c’est tout. A partir de ce moment, il ne reste plus qu’une chaleur et une humidité incessantes. Le sommeil sans climatisation devient une épreuve. En quelques jours seulement, la nature perd son éclat vert préternaturel et redevient d’un vert tout à fait classique. Les hortensias flétrissent, les roses trémières se ratatinent sous l’effet de la chaleur. Parfois, on se surprend même à regretter la couleur, la fraîcheur relative et même les pluies de tsuyu.
Steve John Powell & Angeles Marin Cabello