Modeste, le musée consacré à Nagai Katsuichi, l’un des fondateurs du mensuel culte, mérite néanmoins d’être visité.
Al’instar de la plupart des établissements qui ont ouvert leurs portes ces dernières années, le Musée du manga Nagai Katsuichi est un lieu de taille modeste consacré à une gloire locale, en l’occurrence l’éditeur et cofondateur du mensuel Garo (voir Zoom Japon n°43, septembre 2014), Nagai Katsuichi. La municipalité de Shiogama, au nord-est du pays, a créé cet espace commémoratif après avoir récupéré une partie des archives de cet enfant du pays qui avait quitté la cité portuaire, le 15 août 1945, pour se rendre à Tôkyô où il a contribué à écrire une page importante de l’histoire du manga.
Malgré le rôle crucial joué par Nagai Katsuichi, le musée qui lui est consacré est loin d’être à la hauteur puisqu’il se résume à une vaste salle installée au sein du Fureai ESP Shiogama, un centre municipal multifonction où se trouve notamment la médiathèque. Sous la responsabilité de Hayasaka Natsuki qui tente de le faire vivre avec des moyens limités, c’est le seul endroit au Japon qui présente en partie l’histoire de Garo à travers l’exposition de dessins originaux et d’ouvrages publiés par Seirindô, la maison d’édition créée par Nagai, d’un mur de couvertures du magazine et d’une collection de mangas et d’essais sur le mensuel que les visiteurs peuvent consulter sur place. Il y a également de nombreuses coupures de presse qui permettent de s’informer sur le destin de cet entrepreneur et de sa publication culte. “Ce n’est pas facile”, reconnaît Mme Hayasaka qui cherche à faire vivre le lieu pour attirer un plus large public. En témoigne l’exposition qui se déroule du 3 au 28 février à l’occasion du 25e anniversaire de l’ouverture du musée, trois ans après le décès de Nagai Katsuichi en 1996. Quelques figures marquantes du magazine comme Tsuge Tadao, Maruo Suehiro, Kawasaki Yukio, Abe Shin’ichi, Kondô Yôko ou encore Minami Shinbô font partie des 26 auteurs qui l’ont croqué. “Si nous pouvions faire davantage d’événements de ce genre, le musée gagnerait en notoriété et pourrait séduire un plus grand nombre de fans et de visiteurs”, ajoute la jeune femme. Elle se réjouit de la publication en France de La Révolution Garo (Editions IMHO, 2023) rédigé par Claude Leblanc, fondateur de Zoom Japon, dans la mesure où cette première histoire jamais écrite sur le mensuel va permettre de toucher un public étranger et susciter la curiosité des Japonais. En choisissant de l’exposer dans le musée, elle a déjà amené plusieurs visiteurs à s’interroger sur le rôle de Nagai.
Lorsqu’on pénètre dans la pièce, au fond de celle-ci, on aperçoit sa silhouette dessinée. En tricot de corps, on le retrouve devant une pile de magazines invendus, ce qui fut pendant toute l’existence du mensuel une réalité témoignant de ses difficultés financières. Derrière, on retrouve le bureau du rédacteur en chef de Garo où il a passé des années à travailler et à défendre l’existence de son magazine. Même s’il ne s’agit que de quelques objets et documents, cet ensemble témoigne parfaitement du quotidien de cet homme et de sa publication. Rien que pour cela, le voyage à Shiogama vaut la peine. L’idéal serait d’en faire davantage autour de l’activité de ce personnage central de l’histoire du manga. Exploiter les archives et les mettre en valeur exigent du temps et de l’espace, ce dont le musée ne dispose pas aujourd’hui. En ce sens, il ressemble à bien d’autres lieux disséminés dans tout l’archipel qui, chacun à leur manière, tentent de surfer sur la vague du manga avec des moyens extrêmement limités. Le Musée du manga Nagai Katsuichi à Shiogama a l’avantage d’être unique en son genre, ce qui pourrait lui conférer une certaine légitimité à lancer un projet plus ambitieux autour de Garo proprement dit. Pour cela, il faudrait dégager des ressources humaines et financières plus importantes.
Odaira Namihei
Comment s’y rendre
Au départ de la gare de Tôkyô, empruntez le Tôhoku Shinkansen jusqu’à Sendai (entre 1h30 et 2h). Changez pour la ligne principale Tôhoku en direction de Kogota ou Ishinomaki, et descendez à Shiogama (17 mn). Le musée se trouve à 3 mn de la gare dans le bâtiment Fureai ESP Shiogama.