Les 25 années de crise que le Japon a traversées a laissé de profondes blessures qui ont du mal à être guéries. Il y a tout juste 40 ans, le gouvernement japonais avait réalisé un sondage sur la perception que ses administrés avaient de leur vie. 90,5 % des personnes interrogées estimaient alors qu’elles appartenaient à la classe moyenne (chûryû). De cette quasi-unanimité est née l’expression Ichioku sôchûryû que l’on pourrait traduire par “ces quelque 100 millions de membres de la classe moyenne”. Autrement dit, malgré l’existence de disparités sociales – car il existait bien sûr des riches et des pauvres –, les Japonais avaient l’impression de vivre dans un pays où la pauvreté n’était pas un état permanent puisque la société offrait suffisamment de perspectives pour qu’un jour les moins favorisés puissent sortir de leur condition. Le fonctionnement de la société était tel qu’il avait tendance à gommer les inégalités. Dans les entreprises, notamment les plus grandes d’entre elles, l’emploi à vie et le salaire à l’ancienneté assuraient à leur manière le rôle d’ascenseur social. Il n’y avait donc presque aucune raison de ne pas être optimiste et de considérer son voisin comme son égal. Certes, il y avait bien quelques points noirs comme le célèbre quartier de San’ya à Tôkyô où se concentraient le sous-prolétariat urbain. Mais à cette époque, alors que la très grande majorité de la population se sentait appartenir à la classe moyenne, il était...