Exemple de créativité au service des autres, Turtle Island organise chaque année un festival unique en son genre.
Au Japon, peu de groupes musicaux sont aussi passionnants que Turtle Island. Formé en 1999 à Toyota, près de Nagoya, cet “orchestre punk” fusionne les rythmes et mélodies traditionnels du carnaval japonais avec des riffs de guitare déformés et une gamme d’instruments de musique venus d’Inde, de Corée et d’Afrique. Depuis 2011, ces membres organisent dans leur ville le Hashi no Shita Ongaku-sai [Festival de musique Sous le pont], un festival de trois jours qui ressemble davantage à un festival traditionnel chaotique qu’à un événement musical. C’est une occasion unique de voir les meilleurs groupes asiatiques. Zoom Japon a échangé avec Yoshiki, le chanteur et parolier charismatique du groupe, à propos de ses influences et de sa philosophie du “Do It Yourself”.
Quel est cet endroit où nous nous trouvons ?
Yoshiki : Il s’agit de notre espace communautaire qu’on appelle Centre Hashi no Shita, comme notre festival de musique annuel. Nous y produisons et enseignons l’art, la musique, la mode et la conception de produits. Et nous y organisons un certain nombre d’événements.
Vos fans vous comparent souvent à Joe Strummer, le regretté chanteur du groupe anglais The Clash.
Y. : Quelle blague ! (rires) J’en suis moi-même fan et j’ai beaucoup de respect pour ce qu’il a fait. Je suis donc heureux de cette comparaison, mais c’est trop d’honneur!
Vous avez évolué dans différents groupes et vous avez même mené une carrière solo. Mais vous restez surtout célèbre pour être le leader du groupe Turtle Island. Comment est né le groupe ?
Y. : J’ai commencé à chanter au lycée et à jouer dans plusieurs groupes locaux fortement influencés par le punk hardcore anglais. Nous sommes même allés au Royaume-Uni. Mais nous avons ensuite réalisé que notre environnement social et culturel avait peu à voir avec ce pays. De plus, nous avons un ADN musical différent. Nous avons donc décidé de créer un nouveau type de musique mêlant l’urgence et l’énergie brute du punk à l’héritage musical du Japon et de l’Asie. C’est ainsi que nous avons commencé à ajouter des mélodies et des rythmes asiatiques à nos chansons et à jouer des instruments asiatiques tels que le taepyeongso, le taiko, la flûte en bambou, le gong, le morin khuur, etc. Après tout, j’ai des racines coréennes…
Que voulez-vous dire ?
Y. : Je suis né au Japon, mais je suis en réalité un Zainichi, c’est-à-dire un Coréen de souche ayant le statut de résident permanent au Japon. Depuis ma naissance, je suis exposé à ce double héritage culturel – japonais et coréen. Il était donc naturel pour moi de mélanger ces deux traditions musicales.
Je sais que la vie des Zainichi n’a pas toujours été facile, en particulier dans le passé.
Y. : La vie de mon père a été difficile car, à son époque, quand il était plus jeune, la discrimination à l’égard des Coréens était très forte. Cependant, je suis un Zainichi de la troisième génération et j’ai grandi dans les années 1980. Je ne l’ai pas autant ressenti que mon père. A la maison, nous étions une famille typiquement coréenne avec de fortes coutumes et valeurs coréennes, mais mes parents m’ont laissé aller à l’école japonaise et j’ai grandi avec beaucoup d’amis japonais. En fin de compte, je me sens chanceux de pouvoir apprécier les deux cultures et d’appliquer cet aspect de ma vie à ma musique. Je considère Turtle Island comme une sorte de pont culturel entre le Japon et l’Asie.