Comment a été imaginée « NHK Drama Showcase » , la nouveauté sur NHK WORLD-JAPAN ?
Katô Taku : Jusqu’à présent, les séries produites par la NHK abordaient des questions spécifiques à la société japonaise, donc des histoires pour un public ciblé. Mais la tendance actuelle dépasse ces frontières, et ce sont des séries à vocation internationale qui ont le vent en poupe, que le public japonais apprécie d’ailleurs. La NHK s’est engagée dans cette direction, et a fait appel à son département international, NHK WORLD-JAPAN, pour diffuser certains de nos mini-séries. Les styles vont de la comédie romantique à la science-fiction, avec des épisodes de 50 minutes. Lancer ce projet nous a demandé un an et demi de préparation, et la diffusion a commencé au mois de janvier. Actuellement, nous diffusons des séries conçues pour le public japonais, mais d’avril à la fin de l’année 2022, ce sera le tour de quatre séries inédites, spécialement produites pour le public étranger. Et si tout se passe bien, il y en aura quatre autres jusqu’à fin mars 2023.
Privilégiez-vous le doublage ou le sous-titrage ?
K. T. : Les deux, en fonction des pays. Les Européens ont l’habitude de regarder les films et séries étrangères dans leurs langues originales, donc là nous aurons besoin de les sous-titrer, mais les Américains préfèrent les programmes doublés. Nous avons choisi de nous adapter aux besoins des différents marchés.
Parmi ces séries, quel est votre coup de cœur ?
K. T. : J’aime en particulier celle que la NHK diffusera en avril, Un Empire à 17 ans. En discutant des séries qui pourraient plaire au public étranger, son titre nous a semblé pouvoir provoquer la curiosité d’un large public. C’est une série qui oscille entre le drame et la science-fiction, pour raconter la création d’une société utopique dans un avenir proche. On la doit à Yoshida Reiko, une scénariste qui s’était fait connaître en travaillant auparavant sur des séries d’animation à succès, comme K-ON !, Girls und Panzer, et Violet Evergarden.
En quoi les séries japonaises se distinguent-elles des séries étrangères ?
K. T. : Ce qui me frappe lorsque je regarde des programmes étrangers, c’est l’intelligence et la sophistication avec lesquelles ils transforment en fiction des questions de la vie moderne et du monde dans lequel nous vivons. Les séries européennes, par exemple, posent des loupes sur les processus qui travaillent leurs sociétés, que ce soit la violence, la police, l’immigration, ou les disparités. Au Japon, l’habitude était jusqu’ici d’adapter en fiction des romans, des mangas, ou des films d’animation. Mais les producteurs et les réalisateurs sont de plus en plus prêts à essayer des choses nouvelles, à mélanger les genres, et même si le Japon demeure la cible principale de la NHK, nous sommes très curieux de voir comment le public à l’étranger réagira à nos nouvelles offres.
La fabrication des séries a connu des changements importants ces dix dernières années. Comment les voyez-vous ?
K. T. : Oui, tout a beaucoup changé, notamment grâce aux innovations technologiques, qui permettent une approche nouvelle du story-telling. Regardez les séries étrangères : leur qualité est telle que l’opposition classique entre le cinéma et la télévision n’a plus de sens aujourd’hui. Le milieu des séries attire des acteurs, actrices, réalisateurs et réalisatrices qui n’auraient jamais tourné pour la télévision autrefois. Le Japon aussi s’engage dans cette voie. En 2019 par exemple, la série A Stranger in Shangai, que j’ai produite en deux saisons, a été tournée avec une résolution 8K et dans une qualité cinéma, tout cela en Chine et avec une équipe chinoise. En ce qui concerne le contenu, nous sommes plus dégagés de certaines contraintes qu’il y a dix ans, et plus armés pour parler de sujets controversés. Tous ces changements ont rendu la télévision plus intéressante et plus divertissante.
Qu’attendez-vous de la rencontre entre la NHK aux publics étrangers ?
K. T. : Sur le marché international des séries télévisées, on voit bien que les publics sont plus volontiers attirés par des programmes avec des identités fortes, des saveurs uniques, et c’est une direction qui nous intéresse beaucoup. On avait l’habitude de penser que pour garantir aux séries une portée plus grande, il fallait suivre l’exemple américain. Et puis les séries coréennes ont fait une entrée fracassante, suivie d’un succès mondial. Ces cinq dernières années, même le “nordique noir” (polars scandinaves) et les séries russes ont conquis de nouveaux publics, une chose inimaginable dans le passé !
En ce qui concerne les programmes de la télévision japonaise, et de la NHK en particulier, les festivals internationaux ont été jusqu’ici leurs seules fenêtres d’exposition. Nous avons été motivés par des réactions enthousiastes, qui nous ont poussés à faire mieux, à passer à une nouvelle étape : rendre nos séries plus largement accessibles. Je crois donc que le moment est venu de les proposer à un public international. La prochaine étape consistera à privilégier les co-productions et les collaborations avec d’autres pays, ce qui offrira des opportunités nouvelles aux cinéastes et comédiens japonais.