Après le saké qui a conquis les amateurs d’alcool français, c’est au tour de ce breuvage distillé de tenter sa chance.
Curieusement, la réception des boissons japonaises en France a pendant longtemps été en retard sur celle des plats de la cuisine : il aura fallu beaucoup plus de temps pour les apprécier. Les sakés (voir Zoom Japon n°84, octobre 2018) étaient considérés comme un alcool fort sans grand intérêt, et ne parlons pas de l’accueil réservé aux vins japonais (voir Zoom Japon n°95, novembre 2019)… les solides avant tout. Mais après le boom du whisky japonais (voir Zoom Japon n°69, avril 2017), dont le haut niveau a surpris bien des Européens, on commence à s’intéresser aux sakés, et on en voit certain faire leur entrée, accompagnés par les bières japonaises, dans les restaurants de type izakaya, en vogue depuis un moment.
Et aujourd’hui, on dirait bien que c’est au tour du shôchû, un alcool distillé dont la base peut varier : patate douce, soba (sarrasin), riz, orge, sucre roux, châtaigne… Il en existe autant de variétés que d’ingrédients (plus de 40 variétés de patates douces sont utilisées pour les shôchû) que de méthodes de fabrication. Cette boisson, la deuxième boisson alcoolisée la plus consommée au Japon, représentait et représente encore la culture culinaire populaire au sein du pays.
Les choix de dégustation sont tout aussi variés : savouré seul lorsqu’il est de bonne qualité, on peut aussi y ajouter de l’eau plate ou gazeuse, des glaçons, de l’eau chaude, ou être utilisé comme base d’un cocktail.
Cette boisson a eu du mal à s’implanter en France, d’une part parce que les Français n’ont pas réussi à lui trouver une place adéquate dans leur repas, et d’autre part parce que les Japonais qui l’exportent n’ont su qu’imposer leur propre image du shôchû, populaire à souhait, à couper avec de l’eau, comme l’explique Terasawa Masafumi, qui tente d’exporter des shôchû haut de gamme. Il nous confie que les vrais amateurs d’alcool sont curieux d’en apprendre davantage sur le shôchu, quant aux chefs, ils sont toujours à la recherche de nouvelles boissons de qualité, et avec l’intérêt croissant pour le kôji, ce champignon à la base de nombreux produits fermentés qui constituent la cuisine japonaise, les connaisseurs français sont en train de découvrir la profondeur de l’univers du shôchû.
Certaines marques, telles que “3S ”, sont proposées dans des boutiques spécialisées en whiskies, comme la Maison du whisky. Leur fourchette de prix varie de 35 euros jusqu’à 80 euros.
On dirait que le shôchû ici tente presque de répondre à l’attente des clients en quête de nouveauté depuis que le whisky japonais souffre de grosse pénurie de stock.
D’ailleurs, le salon consacré aux spiritueux japonais, Spirits of Japan, qui s’est tenu à Paris en mars dernier, a rassemblé pas moins de 37 stands et a suscité beaucoup d’intérêt, surtout parmi les jeunes professionnels. Avec l’arrivée de la culture de la mixologie, les Français sont de plus en plus ouverts aux variétés d’alcools venus d’ailleurs. Terasawa affirme qu’effectivement, lors de ce salon, ce sont les barmans et les mixologues qui ont été les plus demandeurs.
Toutefois, le marché reste encore très petit, la vente de shôchû représente moins de 10 pour cent de celle de saké (en litres). Disons-le autrement : il y a encore de la marge et beaucoup d’espoir, pour que cette boisson devienne plus connue.
Sekiguchi Ryôko