Circulant entre Ôsaka, Nara et Kyôto, ce nouveau train de croisière allie confort et histoire.
Le Japon est le paradis des amoureux du train. Le choix des trajets est étonnant, de la beauté romantique de la ligne Tadami (voir Zoom Japon n°108, mars 2021) qui traverse les montagnes dans le Tôhoku, au train Setouchi Marine View qui longe la côte entre Hiroshima et Onomichi, en passant par les impressionnants trains à grande vitesse qui traversent le pays.
Ces dernières années, on a également assisté à une prolifération de trains touristiques de luxe, véritables hôtels de luxe sur rails. Des wagons futuristes en or champagne du Shiki-Shima à l’élégance du vieux monde du Nanatsuboshi sur l’île de Kyûshû (voir Zoom Japon n°41, juin 2014), les trains de luxe nippons vous transportent à travers des paysages spectaculaires tout en vous gâtant avec une cuisine fabuleuse et des équipements luxueux. Au Japon, les trains ne sont pas seulement un moyen rapide de se rendre d’un point A à un point B. Ils sont aussi une occasion irrésistible de créer une nouvelle expérience passionnante. Comme le disait T. S. Eliot, “c’est le voyage, et non l’arrivée, qui compte”.
Le dernier né est l’Aoniyoshi Sightseeing Limited Express (www.kintetsu.co.jp/foreign/english/aoniyoshi). Inauguré le 29 avril 2022, ce train luxueux relie Ôsaka, Nara et Kyôto, les trois principales villes de la région du Kansai.
Pour de nombreux visiteurs, Ôsaka n’est pas seulement le point de départ de ce voyage en train, c’est leur premier aperçu du Japon, après leur arrivée au Kansai International, l’aéroport construit sur une île artificielle. Après Tôkyô et Yokohama (voir Zoom Japon n°122, juillet-août 2022), c’est la plus grande cité du Japon, célèbre pour son architecture moderne éblouissante, sa vie nocturne animée et sa délicieuse street-food, ainsi que pour son château historique.
A l’arrivée de l’Aoniyoshi sur le quai de la gare d’Ôsaka Namba, vous restez bouche bée devant
l’élégance royale des quatre wagons violets du train qui se glisse à vos côtés. “Le violet était considéré comme une couleur noble même à l’ère Tenpyô (729-749), il a donc été choisi pour créer un sentiment de luxe”, explique Sugiyama
Masaki, attaché de presse de la Kintetsu Railway Co, la société qui exploite le train. L’écusson doré à l’avant du train représente un
hanakuiidori, un oiseau mythologique considéré comme un présage de moments heureux. Sur les côtés, des motifs floraux tourbillonnent sur un fond violet.
Le mot Aoniyoshi est un nom poétique pour Nara, mentionné dès le Man’yôshû, le plus ancien recueil de poésie japonais, publié en 759. Le nom a été choisi pour “évoquer la beauté spectaculaire du palais Heijô de Nara”, rappelle le représentant de la compagnie de chemin de fer.
Les quatre voitures de la série 12 200 de l’Aoniyoshi ont été inaugurées en 1969, sous le nom de New Snack Car. Feue la reine Elizabeth II a voyagé dans ce train de Kyôto à Ise en 1975, la première fois qu’un monarque britannique visitait le Japon. Le train New Snack Car a également été utilisé par l’empereur Hirohito et sa famille lors de leurs visites au sanctuaire d’Ise et au sanctuaire de Kashiharajingû à Kashihara, dans la préfecture de Nara. Les wagons ont été entièrement rénovés pour leur nouvelle mission.
Un tel voyage royal convient à la région traversée par le train. Car c’est le cœur du Japon, historiquement connu sous le nom de région de Kinki. Bien que de nombreuses entités aient désormais remplacé le mot Kinki par Kansai, afin d’éviter tout malentendu pour les visiteurs, Kinki est le berceau du Japon, le lieu de naissance du pays et de la culture tels que nous les connaissons aujourd’hui.
Trente minutes seulement après avoir quitté Ôsaka, l’Aoniyoshi arrive à Nara, la ville où tout a commencé il y a 1300 ans. À l’époque, Nara (ou Heijô-kyô, comme on l’appelait alors) était la première véritable ville du Japon, et la capitale du pays de 710 à 784 (voir Zoom Japon n°1, juin 2010). À cette époque, connue sous le nom de période de Nara, le Japon est devenu un État unifié, et non plus un assemblage de clans.
Bien qu’elle n’ait été capitale que pendant 74 ans, l’héritage de Nara est magnifique. Elle compte huit sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, collectivement connus sous le nom de monuments historiques de l’ancienne Nara. On y recense cinq temples bouddhistes, un sanctuaire shinto, un palais et une forêt vierge. Les bâtiments datent de la période Nara ou même d’avant. Ils comprennent la plus ancienne structure en bois du Japon, le temple Hôryû (voir Zoom Japon n°123, septembre 2022), et le plus ancien temple bouddhiste du Japon (le Gangô-ji). Le Tôdai-ji est la plus grande structure en bois du monde et abrite le plus grand Bouddha en bronze du monde, qui mesure quelque 18 mètres de haut.
L’ancien sanctuaire shintoïste Kasuga Taisha est célèbre pour son immense parc où des cerfs semi-apprivoisés se promènent en liberté. La légende raconte que lorsque le puissant clan Fujiwara invita une divinité importante à Nara, celle-ci arriva sur un cerf. Depuis lors, les cerfs sont considérés comme sacrés et autorisés à aller et venir à leur guise.
Cette ancienne splendeur du passé impérial de Nara a inspiré la conception de l’Aoniyoshi. “Nous voulons que les passagers aient l’impression de voyager dans l’ancienne capitale de Nara dès qu’ils montent dans le train”, assure Sugiyama Masaki. “L’intérieur a été conçu pour évoquer l’image de ‘l’harmonie’ comme thème principal du train. Des motifs de l’ère Tenpyô, comme ceux que l’on trouve dans les trésors du Shôsô-in (salle du trésor du temple Tôdai, qui date de 756), sont disséminés dans le train.” En effet, les murs, la moquette et même les lumières sont tous décorés de magnifiques motifs d’oiseaux et de fleurs, associés à l’apogée de Nara en tant que capitale.
La période de Nara a vu le bouddhisme s’épanouir à tous les niveaux de la vie, produisant non seulement de grands temples, mais aussi certains des plus beaux arts, sculptures et monuments d’inspiration bouddhiste du Japon, dont le plus célèbre est le Grand Bouddha, la colossale statue de bronze du Tôdai-ji.
Cette statue est même présente dans le pudding du Grand Bouddha, un dessert semblable à une crème anglaise en vente au comptoir de l’Aoniyoshi dans la voiture 2. Le pot porte une jolie photo du Grand Bouddha, ainsi que le message “Je vous souhaite d’être toujours souriant”. Vous pouvez également acheter des produits typiques de Nara comme des jus de pomme et d’orange, des bières artisanales et un gâteau au beurre dans une boîte violette, assortie à la couleur du train. Certains de ces produits ne sont disponibles que dans le train. Le design du comptoir de vente, ainsi que le décor des murs qui l’entourent, est également inspiré d’objets provenant du dépôt du Shôsô-in.
Dans les voitures 1, 3 et 4, les sièges sont disposés en deux rangées de sièges individuels. Vous n’avez donc pas à vous inquiéter de savoir qui sera assis près de vous. D’un côté, les sièges sont tournés vers l’immense baie vitrée, plutôt que dans le sens de la marche, de sorte que vous pouvez regarder le Japon défiler tout en vous détendant. De l’autre côté, les sièges se font face par deux, idéal pour les couples. Sur la table, une lampe tubulaire diffuse une lueur bleue apaisante.
La voiture 2 comporte des sièges de salon par groupes de quatre autour d’une table. Ils sont séparés de l’allée par des cloisons, coiffées d’arches dorées, “pour créer un sentiment de luxe et d’intimité.” Dans la voiture 4, il y a même un espace bibliothèque avec des livres sur le voyage que les passagers peuvent feuilleter tout en se relaxant sur le confortable canapé. Et si vous avez peur du coronavirus, toutes les surfaces sont recouvertes d’une finition antibactérienne, afin de réduire le risque d’infection. Le wi-fi gratuit est disponible dans tout le train et les toilettes sont équipées des dernières technologies informatisées, ce qui est l’une des merveilles de la technologie japonaise. “Nous pensons que l’Aoniyoshi répondra aux besoins des voyageurs de l’ère post-Covid”, estime Sugiyama Masaki.
A environ 90 minutes d’Ôsaka, votre voyage de luxe prend fin lorsque l’ensemble violet entre en gare de Kyôto, attirant les regards de tous ceux qui attendent leur train ordinaire sur le quai. Votre voyage est peut-être terminé, mais la magie continue lorsque vous sortez dans les rues de Kyôto qui fut l’ancienne capitale impériale du Japon pendant plus de 1000 ans (794-1868), avec 17 sites inscrits à l’Unesco, des temples et des jardins sublimes, des salons de thé exquis, des geishas et des auberges historiques.
Donc, sur ce point, T. S. Eliot avait tort. Bien sûr, le voyage compte énormément. Mais sur l’Aoniyoshi Express, qui englobe les merveilles ultramodernes d’Ôsaka, la magnificence passée de Nara et la beauté intemporelle de Kyôto, l’arrivée revêt également une grande importance. En fait, le voyage et l’arrivée ne font qu’un, formant une odyssée inoubliable couvrant 1300 ans d’histoire et de culture.
Steve John Powell & Angeles Marin Cabello