
Des paquets de miso dans un rayon de supermarché. Il y en a pour tous les goûts. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Deux des produits phares de la cuisine japonaise voient leur consommation baisser au Japon. La gastronomie japonaise (washoku) a conquis le monde grâce à des plats tels que le sushi, le tempura, le soba et les râmen (voir Zoom Japon n°26, décembre 2012). Nombreux sont ceux qui connaissent désormais la cuisine japonaise traditionnelle dont les aliments de base sont le riz, la soupe et les tsukemono (aliments saumurés). Cependant, d’autres ingrédients et assaisonnements jouent un rôle majeur pour donner à ces plats leur goût immédiatement reconnaissable. Deux d’entre eux, en particulier, peuvent être trouvés pratiquement partout : la sauce soja et le miso. Toutes deux ont une forte saveur umami qui provient des acides aminés et nucléiques produits par les micro-organismes lors du processus de fermentation.Les origines de la sauce soja (shôyu en japonais) et du miso se trouvent dans le kokubishio, un condiment salé, fabriqué à partir de graines de soja fermentées, qui a été importé au Japon via la Corée et la Chine dans les temps anciens. À partir de ce point d’origine commun, ils ont suivi des chemins différents, pour finalement évoluer vers leurs formes actuelles.Des températures élevées, des pluies abondantes et une forte humidité offrent des conditions favorables au développement d’une grande variété d’aliments fermentés dans les cuisines asiatiques, et le Japon en a beaucoup. Afin de préserver les aliments dans un environnement où la propagation des micro-organismes entraîne facilement leur détérioration, les premiers habitants ont développé et perfectionné un certain nombre de techniques de conservation des aliments telles que le séchage, le fumage, le salage et surtout la fermentation délibérée. En sélectionnant des micro-organismes bénins qui ne nuisent pas à la saveur et en leur permettant de se propager, les habitants du Japon et d’autres pays asiatiques ont réussi à préserver les aliments de l’infestation par des bactéries susceptibles de les altérer. La fermentation permet non seulement de conserver les aliments, mais aussi d’en améliorer la saveur. Une moisissure est délibérément ajoutée lors de l’étape finale de la fabrication de condiments fermentés tels que le miso, la sauce soja et le mirin. Aujourd’hui, la fermentation est peut-être moins importante comme moyen de conservation, mais elle reste très appréciée pour les saveurs umami complexes qu’elle confère aux aliments. La sauce sojaAu Japon, on pense que la sauce de poisson a commencé à être produite en même temps que la culture du riz. Très vite, cependant, la sauce à base de grain a été introduite de la Chine continentale et est devenue courante. C’est après le VIIe siècle que des caractères chinois pour désigner la sauce soja apparaissent au Japon. Mais à l’époque, ils étaient lus hishio.Au cours des siècles suivants, la production de shôyu a connu de nombreuses mutations et les deux principales variétés actuelles reflètent les différences de goût entre les régions. La sauce soja usukuchi, qui se reconnaît à sa couleur plus claire et à sa forte teneur en sel, a été créée dans la seconde moitié de la période Muromachi (1336-1573) dans la région de Kinki. A partir du XVIIe siècle, Tatsuno (dans l’actuelle préfecture de Hyôgo), Ôsaka et Kyôto sont devenus les principales zones de production du pays. Kyôto, à l’époque, était la capitale impériale et les habitants essayaient autant que possible de proposer les soupes et les nimono (plats mijotés) de couleur plus claire pour des raisons esthétiques. Cela nécessitait une sauce soja plus claire et suffisamment salée. La sauce soja usukuchi d’aujourd’hui est fabriquée en ajoutant de plus grandes quantités d’eau salée pour maintenir le moromi (shôyu non raffiné) à basse température et limiter la production de mélanoïdine. Parfois, de l’amazake (un liquide sucré et peu alcoolisé obtenu en ajoutant du kôji au riz pour décomposer l’amidon en sucre) est également ajouté pour rendre sa saveur plus douce.La seconde variété, plus populaire, le koikuchi, remonte au milieu du XVIIe siècle. Elle a été développée dans des endroits comme Chôshi et Noda, dans ce qui est aujourd’hui la préfecture de Chiba, pour répondre aux besoins de la population en pleine expansion d’Edo (l’actuel Tôkyô). Outre les seigneurs féodaux et leurs serviteurs qui devaient résider dans la capitale shogunale tous les deux ans, un grand nombre d’artisans se sont installés dans la cité pour construire la ville en pleine expansion. Ces personnes préféraient les plats à saveur forte, ce qui a poussé les restaurants et les échoppes locales à adopter la sauce soja koikuchi foncée, brassée pendant plus d’un an et à la saveur riche.Avec le temps, la méthode de fabrication a évolué et la qualité s’est améliorée. Les années entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle ont été particulièrement importantes car la construction d’usines plus grandes a entraîné une vaste augmentation de la production. Parmi les nombreuses innovations technologiques, la société Noda Shôyu (aujourd’hui Kikkoman), basée dans la préfecture de Chiba (voir pp. 16-18), a conçu une nouvelle méthode de fabrication en adoptant partiellement le traitement chimique pendant le processus de brassage. Puis, après la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise a introduit une méthode encore plus efficace qui raccourcissait la période de brassage et améliorait l’efficacité de l’utilisation des matières premières. Dans les deux cas, Kikkoman a divulgué gratuitement le brevet à ses concurrents, contribuant ainsi à améliorer l’industrie de la sauce soja dans son ensemble.Aujourd’hui, le marché national est stable à environ 160 milliards de yens par an et est dominé par trois grandes entreprises – Kikkoman, Yamasa Shôyu et Higeta Shôyu. Ensemble, elles représentent la moitié du marché. D’autre part, le Japon reste un champ de bataille féroce avec environ 1 500 fabricants – pour la plupart des brasseurs locaux de taille modeste – qui se battent pour leur survie.Cherchant à se diversifier et à prendre l’avantage sur la concurrence, les petites entreprises, souvent dirigées par de jeunes brasseurs, sont aussi celles qui proposent le plus souvent des nouveautés. Les fûts en bois sont l’un des produits les plus en vogue ...