Enlevée en novembre 1977, à l’âge de 13 ans, ses parents se battent depuis 37 ans pour son retour dans l’archipel. Dans un petit salon à l'entrée d'un immeuble de banlieue de Tôkyô, nous attendons les Yokota. C'est là que les journalistes du monde entier se rendent pour interviewer ce couple tristement célèbre depuis l'enlèvement de leur fille de 13 ans un jour de novembre 1977. Inconnu pendant plus de deux décennies, leur drame est découvert en 2002 dans la terreur et la stupéfaction : des dizaines de Japonais ont été enlevées par les Nord-Coréens dans les années 1970 et 1980. Parmi eux, figurait leur fille Megumi. “Il faut faire attention à ce que vous lisez, on dit que Megumi s'est suicidée dans un hôpital, mais nous n'avons jamais récupéré les cendres”, explique Yokota Shigeru d'une voix chevrotante. Sa femme Sakie sourit, nous offre du thé. Agés respectivement de 81 et 78 ans, le couple Yokota garde toujours l'espoir de retrouver leur fille volatilisée. Nous sommes dans la ville de Niigata sur la mer du Japon, “un port où venaient mouiller les bateaux nord-coréens qui faisaient la liaison entre Niigata et Wonsan”, rappelle Mme Yokota. Jusqu'au soir de la disparition de Megumi, la famille avait une vie des plus ordinaires, père banquier, mère au foyer élevant Megumi et ses deux petits frères jumeaux. “Nous avons imaginé une fugue tout en sachant que ce n'était pas ça”, dit M. Yokota en ouvrant l'album de famille. Une belle photo les montre réunis tous les cinq, devant la mer. Deux ans après la disparition de Megumi, les Yokota tombent sur un article du journal Sankei Shimbun. Un journaliste d'investigation a enquêté le long de la mer du Japon, suite à des “événements étranges”. Un couple menotté avec un sac sur la tête sur une plage, sauvé in extremis. La voix des ravisseurs parlant un japonais trop poli pour être vrai. Le journaliste recoupe l’affaire avec d'autres disparitions dans la région et émet pour la première fois la possibilité que la Corée du Nord soit à l’origine de l’enlèvement de Japonais. Les Yokota se ruent à la rédaction. Mais on leur dit que leur fille ne peut pas correspondre à ce schéma. “Elle était soi-disant trop jeune”, souffle Yokota Sakie. S'en suit un silence de vingt ans, sans aucune piste. “C'était comme si Megumi avait été "kami kakushi”, cachée par les dieux”. Les Yokota déménagent à Tôkyô. Pour ne pas mourir de chagrin, Sakie se réfugie dans la foi. M. Yokota tourne les pages de son album. Megumi apparaît une dernière fois en kimono rouge sur le blanc éclatant de la neige. En 1997, un journaliste de retour de Corée du Nord rend visite aux Yokota avec une incroyable nouvelle : un espion nord-coréen a livré des informations à propos d'une fille de 13 ans capturée dans les années 1970. Les larmes coulent, c’est la première trace de Megumi en vingt ans. Un ex-espion, An, entraîné par Kim Jong-il, accepte de les rencontrer. Ses aveux sont bouleversants. “A l'époque, tous les espions devaient revenir avec un otage. Je me sens...