Dans le 2ème arrondissement de Paris, « Tomo » se veut être la « pâtisserie de quartier » aimée de tous les habitants comme il en existe partout au Japon et propose pour cela une gamme de douceurs artisanales japonaises, accueillantes et attachantes.
Tout comme une personne ou les œuvres d’un artiste, les gâteaux aussi font des voyages étonnants et explorent de nouvelles contrées qui les accueillent. Par exemple, au Japon, le chou à la crème avec sa «recette à l’ancienne» tant apprécié des Japonais est considéré comme un dessert japonais tellement il fait partie de leur quotidien.
Chez Tomo, dans le quartier Opéra à Paris, un gâteau japonais a fait le voyage jusqu’en France : le dorayaki.
Deux pâtes soyeuses, d’une douceur aérienne renferment délicatement l’anko (pâte de haricot rouge sucrée). D’une apparence simple, c’est un gâteau populaire au Japon, mais il n’est pas toujours facile d’en trouver un de qualité.
Chez Tomo, la pâte est préparée avec de la farine française bio, le goût sucré est apporté par le miel de Fontainebleau et le mirin, tous deux également bio. L’anko, la clef de la réussite de la plupart des pâtisseries japonaises, requiert beaucoup de temps et de maîtrise. Chez Tomo, sa préparation nécessite 48h, car c’est tout un art de faire entrer le sucre dans les haricots sans que leur peau éclate.
Si les dorayaki classiques et au matcha sont toujours appréciés, plusieurs variétés dans la gamme «franco-japonaise» comme le Paris-Kyôto (une crème comme celle du Paris-Brest, accompagnée de kinako (farine de soja) et de coulis de sucre roux d’Okinawa), le Citron-Yuzu, ou encore le Baba au whisky (une pâte imbibée de whisky Nikka, avec chantilly vanille et mascarpone) valent grandement la peine d’être dégustées. Les créations changent selon les saisons, et en été, un joli dorayaki pistache-framboise-matcha, au goût gourmand et frais, vous attend.
La pâtisserie japonaise, reflet de la délicatesse de la nature
Romain Gaia, patron du lieu et lui-même pâtissier, a découvert le monde du wagashi lorsqu’il travaillait au Walaku, un restaurant de gastronomie japonaise. Formé à la pâtisserie française, c’est pourtant la douceur du Japon qui l’a séduit. “Pour moi, la pâtisserie japonaise est très végétale. Du riz, des légumineuses comme les haricots rouges, les feuilles de cerisiers ou de chêne qui servent à envelopper les pâtes… Contrairement à la pâtisserie française, qui elle, utilise beaucoup de produits laitiers ou issus d’animaux comme le beurre, le lait ou les œufs…”
Pour lui, le rapport entre la pâtisserie et la nature est important. “Chez Tomo, la partie wagashi, préparé par le chef Takanori Murata change toutes les deux semaines. Souvent en forme de fleur ou de feuilles d’arbres, les wagashi représentent un moment précis et éphémère de l’année.”
Le déjeuner est dans le même esprit. Les plats sont végétariens, et en ce moment, on vous proposera un zarusoba (nouilles soba servies froides avec de la sauce à part), avec une petite touche de nature : la sauce est au laurier, et la soupe miso est infusée au romarin. En automne, il préparera quatre à cinq champignons différents dressés sur le riz comme le sushi chirashi. Tout comme pour sa pâtisserie, la nature s’invite dans sa cuisine.
Dorayaki chaud, une révolution
Tout en suivant les règles d’or de la pâtisserie traditionnelle japonaise, réputée rigoureuse, il a su introduire un point révolutionnaire : le dorayaki préparé à la minute. La plupart des Japonais n’ont jamais goûté de dorayaki chaud, dont la pâte apporte une sensation très différente. C’est dommage, car le dorayaki chaud ne dénature nullement l’essence de cette douceur, il devient un délice. Parfois, les idées reçues des autochtones peuvent les empêcher de découvrir ce délice caché. “Une cliente française est venue me dire : je suis allée au Japon, mais je n’ai pas trouvé de dorayaki comme chez vous !” Qui sait, peut-être que le dorayaki chaud fera le trajet inverse et sera importé au Japon dans un avenir proche…
Aussi, à la fin du repas, on peut commander du saké avec des dorayaki. L’association du saké et du sucré est sans doute moins coutumière pour les Français que pour les Japonais. Les amateurs de saké peuvent siroter un saké tiédi accompagné de pois cuits avec une pointe de sucre, la douceur et le soupçon d’amertume des haricots rouges accueillent étonnamment bien la tendresse du saké.
La pâtisserie du quartier, aimée de génération en génération
“Mais notre maison ne se limite pas aux dorayaki. Nous proposons aussi les daifuku (mochi fourré à l’anko ) aux fruits de saison, des warabi mochi (mochi à la fougère et au kinako de Kyôto) et nous aimerions bientôt proposer des taiyaki (pâte en forme de daurade fourrée à l’anko)… Vous voyez ? La pâtisserie du quartier, qui existe dans toutes les villes du Japon ? C’est ça que nous voudrions faire”.
Même si, en France, une petite partie de la pâtisserie japonaise sophistiquée et les snacks industriels japonais ont fait leur apparition, cet univers de douceurs ancrées dans le quotidien, que les Japonais aiment déguster lors d’Oyatsu (« l’encas de 15h »), reste encore inconnu. Que Tomo ait capté l’essence de l’esprit de la pâtisserie semble être un signe que les Français ont fait un pas de plus dans la compréhension de la cuisine japonaise, dans sa profondeur. Car comme en France, chacun a besoin de «sa pâtisserie de quartier» qu’on aime et qu’on défend.
On voit déjà notre dorayaki qui commence sa nouvelle vie parisienne. Quelle vie va-t-il mener, pour devenir dans quelques années, on ne sait jamais, un vrai franco-japonais ? Ou dans une dizaine d’années, un grand classique, conçu par les Français comme faisant partie de leurs desserts ? On suivra avec plaisir l’aventure de ce jeune dorayaki, délicieux et accueillant.
Le thé terroir, le paysage à boire
Chez Tomo, outre le dorayaki, on peut déguster une gamme de thés, rares à trouver ailleurs. Parmi sa collection, tous sont de qualité et la plupart bio. On peut apprécier les thés en «cultivar», l’équivalent du «monocépage» pour les vins. La plupart des gens, même les Japonais, ne savent pas qu’en général, le matcha est issu d’un mélange de plusieurs types de feuilles de thé. Le fait de choisir un thé qui provient d’un seul champ, d’une seule famille de thé, est une façon de découvrir une région par le goût. Nous avons le goût du paysage avec le thé.
Le lieu propose également des ateliers autour du thé tous les dimanches cet été. (calendrier à voir sur leurs site ou facebook)
www.facebook.com/patisserietomo
Reportage spécial – Texte : Ryoko Sekiguchi
TOMO – maison de dorayaki –
11 rue Chabanais 75002 Paris – 09.67.77.96.72
Métro : 4 septembre, Pyramides, Opéra, Richelieu Drouot
Du mardi au dimanche de 12h à 19h. Fermé le Lundi
http://patisserietomo.fr/