Située dans la région du Tôhoku, la cité portuaire dispose de nombreux centres d’intérêt à découvrir.
La région entre l’est de la préfecture d’Aomori et le nord de celle d’Iwate présente un curieux groupe de huit communautés numérotées et situées le long ou à proximité de la route nationale 4. Elle était autrefois réputée pour produire d’excellents chevaux. Afin de développer un meilleur système d’élevage et d’assurer la nourriture des équidés, le puissant clan Ôshû Fujiwara, qui régnait sur la région au XIIe siècle, a établi un réseau de ranchs qui ont été numérotés plus tard de Ichinohe (littéralement district un) à Kunohe (district neuf). A l’exception de Shinohe (district quatre), tous les noms d’origine ont survécu jusqu’à aujourd’hui. La plupart de ces localités sont aujourd’hui des petites villes et des villages ruraux, mais Hachinohe (district huit) est devenue la deuxième ville d’Aomori, avec sa propre gare de trains à grande vitesse.
Au cours des 150 dernières années, Hachinohe a développé un vaste complexe industriel et un port important. Les entreprises locales produisent du papier, du ciment, des produits chimiques, de l’acier et des navires, tandis que le port animé de la ville accueille des cargos internationaux et des ferries pour Hokkaidô (voir Zoom Japon n°78, mars 2018). Si vous souhaitez visiter un lieu magnifique et bien conçu à Aomori, vous devrez vous diriger vers Hirosaki par exemple (voir Zoom Japon n°136, décembre 2023). Cependant, Hachinohe possède des lieux charmants et un festival spectaculaire, et ne manque pas d’intérêt pour les amateurs de cuisine de rue.
Les amoureux d’histoire qui apprécient l’architecture traditionnelle devraient se rendre au sanctuaire de Kushihiki Hachiman. Au XIIIe siècle, le seigneur samouraï Nanbu Mitsuyuki s’est vu accorder l’autorité sur la province de Nukanobu (aujourd’hui Hachinohe) en échange de son engagement à vaincre le clan Ôshû Fujiwara. Le sanctuaire a été fondé en 1222 et est devenu un centre religieux important pour la communauté.
Construit au début de la période Edo (1603-1868), le hall principal du sanctuaire est reconnu comme un bien culturel d’importance nationale. Il abrite également quelques trésors nationaux, à savoir l’Akaito-Odoshi Ô-yoroi (armure à fils rouges) et le Shiroito-Odoshi Tsumadori Ôyoroi (armure blanche à motifs triangulaires). Enfin, la plus ancienne structure de style occidental d’Aomori, le Meiji Kinenkan Hall, est située dans l’enceinte du sanctuaire. En ce qui concerne le patrimoine culturel, un événement à ne pas manquer est le Hachinohe Sansha Taisai, le plus grand festival de la région de Hachinohe (voir Zoom Japon n°52, juillet 2015). Avec une fréquentation moyenne d’un million de personnes, il est si grand qu’il rivalise avec le festival Hirosaki Neputa et d’autres festivals d’été célèbres d’Aomori qui se tiennent dans la région rivale de Tsugaru.
Organisée chaque année du 31 juillet au 4 août, cette ancienne procession est célèbre à juste titre pour ses magnifiques chars. En décembre 2016, elle a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO dans la catégorie “Yama, Hoko, Yatai, festivals de chars”.
Le Hachinohe Sansha Taisai a une histoire d’environ 300 ans. L’attraction principale est la procession des mikoshi (sanctuaires portables) de trois sanctuaires : Ogami, Chôjasan Shinra et Shinmei, ainsi qu’un grand défilé de 27 chars géants (10 mètres de haut et 8 mètres de large) dont les décors sont basés sur des thèmes tels que la mythologie et le théâtre kabuki. Le défilé dure toute la journée, mais l’atmosphère devient vraiment magique lorsque le soleil se couche et que les structures illuminées semblent flotter dans le ciel nocturne.
Les origines du festival remonteraient à 1720, lorsque Hachinohe a souffert de mauvaises récoltes. Un groupe de citoyens influents se rendit au sanctuaire d’Ogami pour prier afin que le temps s’améliore et fut récompensé par une bonne récolte d’automne. En guise de remerciement, un mikoshi a été construit grâce aux dons des samouraïs et des habitants de la ville, et a été livré au Chôjasan Shinra. Par la suite, ce festival a commencé à inclure des processions organisées par les habitants de la ville, y compris des yatai (portage de poupées) et des danses de tigres. D’autres processions ont été ajoutées dans la seconde moitié des années 1880, faisant de ce festival un festival à trois sanctuaires. La plupart des chars sont inspirés de contes populaires et de pièces de théâtre kabuki. Sur le plan thématique, il existe quatre types de chars : des paysages marins, des châteaux et des montagnes décorés de pins, de feuilles d’automne et de chutes d’eau. Certains chars sont dotés d’un mécanisme grâce auquel les parties avant et centrale se déplient horizontalement et la partie arrière se soulève, ce qui les transforme en structures encore plus grandes.
Si Kushihiki Hachiman et le festival valent la peine d’être visités, ce qui fait vraiment la particularité de cette ville, c’est l’humble ligne de train Hachinohe. Partant de la gare du même nom, le petit train passe au sud du port avant de suivre les jolis contours sinueux de la côte pacifique jusqu’à Kuji, à la limite nord du parc national Rikuchû Kaigan dans la préfecture voisine d’Iwate. Les amoureux de la nature doivent absolument descendre à la gare de Tanesashi pour explorer les 8 kilomètres d’herbe, de sable, de pins et de formations rocheuses de la plage de Tanesashi.
Cependant, il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin pour profiter de l’un des endroits les plus célèbres de Hachinohe. Descendez à la merveilleuse gare de Same [gare des requins !] et non loin du marché aux poissons, vous trouverez Kabushima. Bien que son nom signifie “île des dieux”, cette petite formation rocheuse est reliée au continent depuis le début des années 1940, à la suite de travaux de poldérisation menés par la marine. A la mi-mai, les fleurs de colza sont en pleine floraison sur l’île, et vous pourrez admirer le magnifique contraste entre le jaune des fleurs de colza et le rouge des portes torii du sanctuaire.
L’île abrite le sanctuaire de Kabushima et, pendant une bonne partie de l’année, une immense colonie de goélands à queue noire, connus au Japon sous le nom d’umineko [chats de mer] en raison de leurs cris semblables à ceux d’un chat. Les mouettes arrivent chaque année vers le début du mois de mars et commencent à pondre vers le mois d’avril. Les œufs éclosent vers le mois de juin et la majeure partie de la colonie quitte Kabushima vers le mois d’août. Benzaiten, une des sept divinités du bonheur, est vénérée au sanctuaire de Kabushima. On dit qu’elle apporte des bénédictions pour la prospérité des affaires et la fertilité, et qu’elle est également la déesse gardienne de l’industrie de la pêche. Les umineko sont également considérés comme les messagers de Benzaiten, car ils avertissent les pêcheurs des lieux de pêche. C’est pourquoi la population locale protège, nourrit et respecte ces mouettes depuis plus de 700 ans. Le gouvernement japonais a d’ailleurs déclaré les terrains du sanctuaire et l’île voisine Monument naturel national.
Pendant les mois d’été, 40 000 mouettes rauques prennent possession de l’île. Les deux extensions rocheuses du port sont littéralement couvertes d’oiseaux, Kabushima devenant une vaste zone de reproduction. Il existe dix zones de ce type au Japon, mais Kabushima est le seul endroit où les umineko vivent parmi les gens et où l’on peut observer leurs nids de près. Habitués depuis longtemps à la présence humaine, les oiseaux se laissent apprivoiser et sont devenus l’une des meilleures attractions touristiques de Hachinohe. Il faut cependant être conscient des dangers liés à une telle observation. D’ailleurs, certains se munissent de parapluies pour se protéger des averses de fientes d’oiseaux. En novembre 2015, le sanctuaire fut détruit par un incendie. Bien que la reconstruction débutât dès l’année suivante, il fallut 5 ans pour l’achever car chaque année, un arrêt des travaux était pratiqué d’avril à août pour minimiser l’impact négatif sur la saison de reproduction. C’est dire l’importance de ces oiseaux pour la ville. Il existe également des chansons mettant en scène Kabushima et les mouettes. La plus célèbre, Hachinohe Kouta, a été publiée en 1932 et, en 1973, un monument sur lequel sont gravées les premières lignes de la chanson écrite par le célèbre poète Hoshihama Ôhaku a été érigé près de l’entrée du sanctuaire de Kabushima.
La zone située à côté de la gare de Same est également l’un des marchés aux poissons les plus actifs de Hachinohe. Le Same Market est un vestige de l’époque où le port accueillait principalement des bateaux de pêche familiaux. Ces petits bateaux existent toujours, mais ils sont aujourd’hui éclipsés par les grands transporteurs internationaux.
L’effervescence du marché aux poissons tôt le matin témoigne toutefois du fait que les produits de la mer continuent de jouer un rôle important dans l’économie de la ville industrielle. Vous pouvez voir l’agitation bruyante qui règne dans les rues de Same lorsque la pêche du jour est acheminée vers les supermarchés et les magasins de sushis. Les rues étroites et les acheteurs et vendeurs bruyants habillés pour le commerce du poisson font de ce quartier l’un des endroits les plus colorés d’une ville d’après-guerre moderne et autrement fade.
Une partie du port est également visible en revenant de Kabushima. C’est l’une des fiertés de la ville. En fait, Hachinohe abrite le premier port de pêche du Japon et est le deuxième port industriel et de commerce international de la région du Tôhoku, après Sendai, dans la préfecture de Miyagi.
Une ligne régulière de transport de passagers relie la ville à Hokkaidô, avec des ferries qui partent pour Tomakomai quatre fois par jour.
L’histoire du port de Hachinohe remonte au milieu du XVIIe siècle, lorsque le domaine féodal de Hachinohe a été établi. Dès son ouverture, le port a été utilisé à la fois pour la pêche et comme refuge en cas de mauvais temps. Au cours de la période Meiji, Hachinohe s’est activement impliqué dans la construction du port et, en 1884, le ministère de l’Intérieur a envoyé l’ingénieur hollandais Lowenhorst Mulder pour étudier la zone et concevoir un plan. En 1964, Hachinohe a été désignée comme nouvelle ville industrielle à la suite de l’élaboration du plan national de développement global. Cela a conduit au renforcement de la zone urbaine et au développement de l’infrastructure portuaire. Des routes, des ponts et des quais ont été construits, et la ville a réussi à attirer à la fois Mitsubishi Paper Mills et quelques industries chimiques lourdes. En 1994, des routes maritimes internationales ont été ouvertes pour la première fois dans le Tôhoku.
Comme indiqué plus haut, Hachinohe est une zone poissonneuse. Une forte odeur de poisson semble imprégner non seulement le quartier portuaire, mais aussi toute la ville, complétant ainsi sa nature grinçante et rouillée. En effet, outre Same, Hachinohe compte pas moins de trois autres marchés aux poissons, et deux d’entre eux – le Hasshoku Center et le Mutsu Ekimae Market – valent la peine d’être visités. Cependant, pour une expérience vraiment unique, il ne faut pas manquer le marché matinal de la jetée de Tatehana. Elle se trouve à dix minutes de marche de la gare de Mutsu Minato, sur la même ligne Hachinohe, et son parking peut accueillir environ 500 voitures. Le marché du matin se tient tous les dimanches de la mi-mars à la fin décembre, du lever du soleil jusqu’à 9 heures environ, qu’il fasse beau ou qu’il pleuve, à moins que le temps ne soit vraiment exécrable.
Ce marché propose de nombreux produits et, de manière plutôt incongrue, organise même des représentations en direct de groupes d’idoles locaux. Cependant, la plupart des gens sont là pour la nourriture. Des fruits de mer et légumes frais au pain, aux nouilles et aux sucreries, il y en a pour tous les goûts. Le choix est si vaste que vous serez peut-être tenté de comparer les produits et les prix. Toutefois, si vous voyez quelque chose qui vous intéresse, vous devez l’acheter sur-le-champ, car ces produits se vendent rapidement. Le marché est bondé à partir de 7 heures environ, il est donc préférable d’arriver tôt pour devancer la concurrence.
Pendant la saison froide, par exemple, les soupes chaudes se vendent tôt le matin. Ne manquez pas de goûter à la spécialité de Hachinohe, la soupe aux biscuits de riz, ou, si vous vous sentez plus aventureux, à une variété de fondues comprenant de la viande de cheval, des abats et des tendons de bœuf. Les râmen (nouilles en bouillon) vendus ensemble sont également très appréciés. Les produits de la mer grillés sont omniprésents : calamars, maquereaux et limandes sont grillés à l’arrière d’un petit camion. Le maquereau de Marukane, quant à lui, s’inspire des fish and chips britanniques. Il s’agit de maquereau assaisonné enrobé de poudre de poulet frit mélangée à de l’eau gazeuse et frit. La texture est croustillante à l’extérieur et moelleuse à l’intérieur.
Les boulangeries peuvent sembler déplacées dans un tel cadre, mais les vendeurs de croissants sont très populaires. Un autre best-seller local est le rouleau de printemps aux pommes d’Akigetsudo, dans le village de Rokkasho (célèbre aussi pour abriter une usine nucléaire). Il s’agit d’une friandise chaude à base de pommes Fuji et de crème pâtissière, qui prend la forme d’un rouleau de printemps. L’extérieur est croustillant tandis que la crème de pomme est fondante à l’intérieur. Goûtez-le pendant qu’il est bien chaud.
Certains magasins proposent des sièges (ils sont particulièrement pratiques si vous mangez des nouilles ou une soupe), mais les gourmets locaux recommandent de manger en marchant. De cette façon, vous pouvez savourer votre repas tout en explorant le marché et en cherchant la prochaine bouchée à vous mettre sous la dent. La dernière fois que j’ai visité le marché du dimanche matin, j’ai dégusté l’aki kushiyaki (brochettes de crustacés) ; le dengaku (brochettes de tofu chauffées sur un grill et garnies de miso assaisonné de mirin et de sucre) ; l’ôban’yaki (une sorte de crêpe farcie remplie de crème pâtissière à la vanille) ; et un tonjiru (soupe de miso au porc et aux légumes). J’ai eu le ventre plein pour seulement 850 yens (5,20 euros). Gochisôsama (quel festin !) !
Gianni Simone