Je rêvais de vivre en France comme les Français, sans chercher à connaître les droits qu’ils avaient et que je n’aurais pas. A mon arrivée, je connaissais peu de chose sur cette société, à tel point que Chirac était de gauche dans ma tête. Etant étudiante « étrangère » qui vivait avec de l’argent économisé au Japon, tout me paraissait normal, tandis que je n’avais pas de sécurité sociale ou le droit de travailler. Avec mon entrée à la fac, j’ai eu le droit à quelques heures de travail. J’étais heureuse de débuter dans la vie. Lorsque j’ai payé pour la première fois mes impôts, j’étais très fière de me considérer comme une adulte. Après mon mariage, j’ai trouvé un vrai emploi qui m’a permis de devenir salariée et j’ai eu droit aux tickets resto ! Ça y est, je vis comme les Français et désormais je peux me plaindre de mon pouvoir d’achat ou des services publics.
Je suis toujours émerveillée par la majorité des Français manifestant leur ardeur pour la politique, car avant, leurs discours résonnaient comme des bruits dans mes oreilles. Aujourd’hui je les suis assez attentivement et m’y mêle même. J’admire que, dans ce pays, on se sente ainsi lié à la politique comparé au Japon où la majorité des gens s’en désintéresse. Beaucoup disent “Malgré le changement de dirigeant, rien ne changera” et ils ne manifestent guère. En effet, le chef du gouvernement a changé 7 fois en 10 ans mais la société reste toujours ancrée dans la crise. Je ne sais moi-même plus quel parti j’aimerais soutenir…alors qu’en France je sais pour qui je souhaite voter sauf que je n’ai pas de droit de vote. Oui, je vis comme les Français, mais je ressens une certaine distance avec ce pays lors des élections. Pour y remédier, suis-je prête à renoncer à ma nationalité ? C’est une question fondamentale. En tout cas, si l’Etat m’autorise à participer au moins aux élections municipales, je ne m’y rendrai pas en tant que Japonaise et ne réclamerai ni sushis dans toutes les cantines ni qu’on se déchausse dans les lieux publics. En définitive, je rêve de vivre comme une citoyenne « normale ».
Koga Ritsuko