Je rêvais de vivre en France et de manger des repas raffinés comme j’en dégustais dans des restaurants de cuisine française tenus par des Japonais dans l’archipel. Ces établissements se trouvaient dans de grands hôtels et proposaient des menus de 50€ à 100€ composés de plats ressemblant à ceux qu’on trouvait dans des restaurants étoilés. J’étais ainsi persuadée que les Français mangeaient ce type de repas sophistiqué au quotidien.
Arrivée en France, mon premier dîner fut une bouchée à la reine achetée chez un traiteur. Après dégustation, j’étais plutôt satisfaite d’avoir testé quelque chose d’inédit malgré son goût indéfinissable. Les jours suivants, je me tournais vers la restauration rapide. C’était un choix de survie en raison de mes limites linguistiques. Plus ma maîtrise de la langue s’est affinée, plus mes options en matière culinaire se sont élargies. Du fast-food, je suis passée à la boulangerie. Acheter des quiches ayant pour nom “quiche lorraine“ ou “quiche aux épinards“ s’est avéré plus facile que de commander un sandwich pour lequel je devais préciser les ingrédients que je voulais. Après cette étape initiatique, je suis passée à la restauration en libre-service, puis au bistrot. Le jour où j’ai appris le mot “plat du jour“, j’ai pensé que j’avais atteint le sommet de mes expériences gastronomiques. À cause de (ou grâce à) ce “plat du jour“ qui m’a permis de découvrir un éventail de la cuisine française, j’ai mis du temps à me rendre compte de son manque de “raffinement“. Les repas de bistrot sont, à vrai dire, trop lourds pour moi. Pendant longtemps j’hésitais à avouer à mon entourage que je n’aimais pas les pommes de terre, surtout quand elles sont associées à du fromage fondu. Il m’a fallu attendre la venue d’hommes d’affaires japonais que j’accompagnais dans de grands restaurants français pour me retrouver en face de plats délicats portant un nom à rallonge. Heureusement qu’ils sont là ! Sans eux, la vraie cuisine française se limiterait, pour moi, au steak frites et à la salade de chèvre chaud !