Depuis le mois de janvier, 6 accidents de la circulation ont été recensés à Suzu par la police et la moitié d’entre eux concernaient des personnes de plus de 65 ans. “Nous avons besoin de ce système de voiture autonome. Chaque semaine, mon père, qui a 80 ans, m’apporte ses légumes qu’il cultive dans la montagne. Cela lui prend 40 minutes avec son petit camion et cela ne manque pas de m’inquiéter compte tenu de son âge”, explique Tanino Eiko gérante du Tanino Ryokan, une auberge implantée depuis 70 ans. “En ville, on croise beaucoup de véhicules avec le logo “silver mark” qui signifie que le conducteur est une personne âgée. Il n’est pas rare que ces personnes roulent très lentement, à 20 km/h. Récemment, j'ai vu une voiture qui a passé le carrefour malgré le feu qui était au rouge”, ajoute-t-elle. Son mari, Katsuhiko se dit inquiet de son aptitude à conduire en raison de ses rhumatismes. “Mes mains et mes jambes sont engourdies, mais je dois tout de même conduire pour me rendre à l'hôpital où je subis des injections deux fois par semaine”, raconte-t-il. A 80 ans, Ishida Hiroko vit avec son mari d'un an son aîné qui est cloué au lit à cause d'une infection au cerveau. Ils subsistent grâce à leur pension de retraite et aux légumes qu'elle récolte dans leur jardin. “J’ai rendu mon permis de conduire quand j’ai eu mes 80 ans”, raconte Hiroko. Aujourd'hui, au lieu de la voiture, elle utilise un vélo électrique pour aller faire ses courses. Elle prend le taxi pour emmener son mari à l’hôpital qui se trouve à environ 8 kilomètres de chez eux. Nakahama Fusako, 75 ans, ancienne nutritionniste dans une école primaire locale, vit seule dans une grande maison de pêcheur centenaire. En raison de l’exode de la jeune génération vers les grandes villes, le nombre de maisons vacantes a augmenté dans son quartier. Dans un rayon de 100 mètres autour de chez elle, on en compte plus d’une dizaine. “A cette période de l’année, j’avais l’habitude d’ouvrir tout mon premier étage et de recevoir 40 à 50 personnes et de nombreux enfants du quartier. Je leur préparais de bons petits plats comme du riz aux haricots rouges, des sashimis ou encore des légumes cuits à la vapeur”, se rappelle-t-elle en faisant le tour de ses quatre grandes pièces recouvertes de tatamis et de sa cuisine. “J’avais aussi l’habitude de faire 2 heures et demie de route pour aller voir mes enfants à Kanazawa. Mais maintenant, c’est fini. Ma fille me rend visite une seule fois par an pour m’aider à nettoyer la maison.” Le 6 septembre, lors de notre passage à Suzu, son quartier est en pleine ferveur en raison de Kiriko, une fête (matsuri, voir Zoom Japon n°52, juillet 2015) organisée depuis plus de trois siècles pour les bonnes récoltes. Une quarantaine de jeunes déambulent en portant des lanternes de plus de 2 tonnes. Selon la coutume appelée yobare, on invite chez soi ses amis, ses collègues et les gens de passage à profiter de l’abondance de nourriture et de saké. Mais au fil du temps, de moins en moins de personnes respectent cette coutume. Même Fusako a arrêté de le faire. Depuis 10 ans, avant même l’expérience de la voiture autonome, la ville de Suzu a entamé, en partenariat avec l’université de Kanazawa, un travail en faveur de la création d’une communauté autonome. En 2004, elle a ainsi mis sur pied un programme de recherches spécialisées dans l’environnement, la dépopulation, les traditions locales ou encore la nature. Cela lui a valu de...