2011 est l’occasion rêvée pour donner à l’écrivain la possibilité de s’exprimer sur notre monde troublé. Cela fait plusieurs années que le nom de Murakami Haruki circule régulièrement parmi les écrivains nobélisables. Le dernier Nobel de littérature japonais a été Oe Kenzaburô en 1994. Il ne serait donc pas incongru de voir, début octobre 2011, un écrivain “plus populaire” et dont le talent est reconnu au niveau international obtenir cette reconnaissance suprême. Le prix Nobel de littérature à un auteur japonais en cette année si particulière pour le pays du Soleil-levant permettrait à Murakami de donner une résonnance internationale à ses réflexions sur le présent et l’avenir du Japon, mais aussi de nos sociétés industrielles. Avare de paroles, ses mots bénéficient d’une écoute particulière lorsqu’il s’exprime enfin. Au cours des deux dernières années, il a eu l’occasion de faire des discours à Jérusalem et en Catalogne respectivement en 2009 et 2011 et à chaque fois, ses propos ont touché profondément les Japonais, mais ont rarement dépassé le cadre de l’Archipel. Malgré le prestige du Prix Jérusalem pour la liberté des individus dans la société et celui du Prix international de Catalogne, ils n’ont pas le même poids qu’un prix Nobel. Au Japon, les paroles de l’écrivain ont suscité un vif intérêt, mais il aurait fallu qu’elles soient mieux diffusées. “Le mythe de la ‘puissance technologique’ sur lequel s’est appuyé le Japon pendant des années s’est effondré, entraînant la défaite de notre éthique et de nos valeurs. Nous critiquons le gouvernement, et nous critiquons les compagnies d’électricité. Ceci est normal et nécessaire. Cependant, nous devons aussi nous blâmer nous-mêmes. Nous sommes à la fois auteurs et victimes de cette catastrophe [de Fukushima Dai-ichi]. Nous devons y réfléchir sérieusement. Si nous ne le faisons pas, nous risquons un jour de commettre à nouveau les mêmes erreurs”, a-t-il déclaré à Barcelone en juin dernier lors de la remise du Prix international de Catalogne. Ces propos en prise directe avec la situation au Japon ont cependant une valeur universelle. C’est ce qui fait la force de Murakami. “Nous, écrivains professionnels, qui faisons des mots notre spécialité, avons un rôle important à jouer dans cette mission collective de grande ampleur. Nous devons associer éthiques et valeurs nouvelles à des mots nouveaux. Nous devons inventer de nouvelles histoires vibrantes et les...