A la tête de Second Harvest, Charles McJilton ne cache pas ses frustrations face à la réalité de la situation. Dans la société japonaise à deux vitesses, où les quelques privilégiés se font plus riches alors que les pauvres doivent lutter chaque jour, deux données attirent l’attention :1) Le taux d'autosuffisance alimentaire du Japon est de 39%. 2) 17,8 millions de tonnes de nourriture sont détruites chaque année. Pendant de nombreuses années, il n'y avait pas de filet de sécurité alimentaire dans l’archipel jusqu’au jour où, en 2000, un groupement d’associations à San'ya (le quartier des travailleurs journaliers et des SDF à Tôkyô) a mis sur pied ce qui deviendra Second Harvest Japan (SHJ), une ONG ayant accès aux excédents de nourriture pour les redistribuer aux personnes nécessiteuses. SHJ s'est formellement constituée en mars 2002 en tant que première banque alimentaire au Japon. Impliqué dans l’aventure depuis ses débuts, l’Américain Charles-McJilton en est aujourd’hui le directeur exécutif. Zoom Japon l’a rencontré pour évoquer la situation dans l’archipel. Pouvez-vous donner quelques chiffres concernant vos activités ? Charles McJilton : Nous avons commencé très petit. En 2008, nous n’étions encore que trois. Mais aujourd’hui, nous avons 26 employés et nous pouvons compter sur environ 110 bénévoles chaque semaine. L'année dernière, ces derniers nous ont fait don de 33 000 heures, ce qui est incroyable. Plus de 1 350 entreprises ont signé des accords avec nous, et l'année dernière nous avons distribué quatre millions de repas. D'où tirez-vous vos fonds ? C. M. : 75 % de notre financement proviennent d’entreprises. 15 % proviennent de fondations, d'organisations religieuses et d'écoles. Les 10% restant sont le fruit de dons individuels. Rien ne vient du gouvernement. Nous avons reçu par le passé des aides gouvernementales pour quelques projets, mais c'est très difficile à utiliser. L'un des problèmes est qu'on doit avancer le coût du projet pendant neuf à douze mois. Ce n'est qu'après l'achèvement du projet que vous pouvez récupérer l'argent, et c'est le gouvernement qui décide combien vous pouvez recevoir. Comment distribuez-vous la nourriture à ceux qui en ont besoin ? C. M. : Nous avons une cuisine centrale qui prépare et assure la distribution de la nourriture à l'extérieur comme par exemple dans le parc d'Ueno. Ensuite, nous avons une banque alimentaire qui fournit la livraison en gros de nourriture aux institutions de protection sociale, à des associations, à des organisations religieuses et à des groupes communautaires. Elle distribue directement aussi des aliments périssables et non périssables aux...