Vous avez déclaré après les événements tragiques du 11 mars que la renaissance de la forêt était à la base de la reconstruction du Japon. Qu’entendiez-vous par là ?
Inamoto Tadashi : Un individu a besoin d’environ 20 kg d’air par jour. Il est indispensable d’avoir beaucoup d’oxygène. Il a aussi besoin d’environ 2 litres d’eau. Cette eau, c’est la forêt qui la produit. Il consomme également environ 2 kg de nourriture. Les protéines de base sont fournies par les plantes et celles-ci ont besoin d’une eau propre. Cette eau propre, c’est la forêt qui la fournit. En d’autres termes, pour vivre, l’homme a besoin de la forêt. Au Japon, le bois est une des ressources naturelles les plus importantes. Voilà pourquoi je pense qu’une utilisation raisonnée des forêts est à la base de la reconstruction du pays à un moment où il se pose bien des questions.
Quel était votre objectif lorsque vous avez fondé Oak Village ?
I. T. : Trois principes m’animaient. Le premier, c’était qu’un arbre centenaire pouvait donner un objet que l’on pourrait utiliser pendant 100 ans. Le second, c’était qu’il pouvait servir à fabriquer un bol ou une maison. Enfin, si l’enfant devient un homme, le gland fait le chêne. J’ai donc fondé Oak Village en partant de ces idées simples. Depuis 15 ans, nous produisons des meubles et des bâtisses qui pourront durer au moins 100 ans. Nous avons aussi réussi à extraire des arômes des feuilles que l’on ramasse, une initiative qui connaît un succès grandissant.
Avez-vous le sentiment que la forêt est menacée au Japon ?
I. T. : Oui, c’est en effet une chose qui me préoccupe. La plus grande menace pour notre forêt est liée à l’indifférence croissante des Japonais à son égard. Même si encore aujourd’hui, de très nombreuses personnes vivent dans des villes de petite taille, elles n’ont guère l’occasion de se rendre dans les bois qui les entourent. Elles ont également moins la possibilité de se familiariser avec les constructions ou les objets en bois. Par ailleurs, la plupart des arômes commercialisés sont produits à l’étranger. Mais je ne veux pas être trop pessimiste. Les choses évoluent et je pense que l’on peut recréer un cercle vertueux entre les Japonais et leur forêt. Reste que ce changement est encore trop lent à mes yeux.
D’un côté, les entreprises japonaises contribuent à la disparition des forêts tropicales, notamment en Asie du Sud-Est. De l’autre, elles font de la protection des forêts au Japon un argument de leur communication. Qu’en pensez-vous ?
I. T. : C’est plutôt contradictoire en effet. Comme il sera impossible de revenir à la situation antérieure dans ces pays, il faut absolument que la déforestation dans les pays concernés soit ralentie au maximum. Cela passe par une réduction de nos importations de bois, mais aussi par une meilleure exploitation de nos propres forêts.
Comment voyez-vous l’avenir de la forêt au Japon ?
I. T. : Comme je vous le disais tout à l’heure, il faut qu’il y ait une prise de conscience. Si l’on réussit à rapprocher les hommes de la forêt et si l’on peut enrichir l’écosystème, je pense alors que l’avenir de nos forêts sera assuré et que l’on pourra se montrer plus optimiste.
Propos recueillis par Odaira Namihei
Oak Village est implanté non loin de Takayama, dans la préfecture de Gifu, au centre du Japon. Fondé en 1974, cette organisation a pour objectif de redonner au bois une place centrale dans la société japonaise. Une ambition à laquelle de nombreuses personnes semblent vouloir adhérer depuis quelques années. Son patron, Inamoto Tadashi, est devenu une personnalité très écoutée.
www.oakv.co.jp