S’emparant du personnage historique ODA Nobunaga, les mangaka ont réussi à imaginer quelques histoires délirantes.
Depuis quelques années, le jidaigeki fait un retour en force au cinéma. Le film de samouraï est à la fois plébiscité par les spectateurs qui se divertissent et les réalisateurs qui y trouvent le moyen d’exprimer autrement leur talent.
KITANO Takeshi avec Zatoichi ou encore MIIKE Takashi et ses 13 assassins en ont fait une belle
démonstration. Le succès de ces longs métrages traduit un besoin chez les Japonais de retrouver des repères traditionnels à un moment où le pays subit une crise importante. Bien qu’il s’agisse de fictions, le fait de se replonger dans une période jugée faste (époque d’edo) suffit à satisfaire les spectateurs. Ces derniers sont aussi sensibles aux oeuvres littéraires narrant des histoires se déroulant dans le Japon des XVIème et XVIIème siècles où ont vécu quelques grandes figures
de l’histoire nationale. On retrouve également cet engouement au niveau des mangas avec de
nombreux titres publiés ces dernières années avec un certain succès. Parmi les personnages historiques de cette époque jugée glorieuse qui suscitent le plus d’enthousiasme figure ODA Nobunaga.
Né dans une famille noble établie depuis longtemps dans le centre du Japon et dont les ramifications étaient déjà nombreuses au XVIème siècle, ODA Nobunaga s’est trouvé en pleine
guerre féodale quand il succéda à son père comme conseiller du vice-gouverneur de la moitié de la province d’Owari. Il prit les armes pour unifier sa province, puis pour combattre les daimyô des provinces voisines. S’étant allié à TOKUGAWA Ieyasu, son voisin à l’est, il a conquis Mino au nord et transféré son château de Kiyosu, près de Nagoya, à Gifu. Très curieux de nature, il a favorisé les relations avec les Portugais qui abordèrent le Japon pour la première fois vers 1543, autorisant la prédication du catholicisme et l’édification d’églises, jusque dans la ville de Kyôto. Par ailleurs, la cour impériale voyait en lui le chef militaire capable de mettre fin aux guerres civiles. Il fut alors nommé deuxième ministre, lui donnant ainsi l’une des fonctions les plus élevées à ce moment dans le gouvernement. Chef militaire de grande valeur, il a souvent surpris ses ennemis par son extrême mobilité. Il fut aussi le premier stratège à avoir utilisé méthodiquement les armes à feu au Japon. Ouvert aux innovations, il a conduit le Japon vers une première modernisation.
Compte tenu de ce profil, il n’est pas étonnant que de nombreux mangaka se soient inspirés de sa personne pour imaginer des histoires le sublimant la plupart du temps ou le décrivant sous ses traits de guerrier impitoyable. Il a par exemple fait assassiner son jeune frère ODA Nobuyuki, qu’il soupçonnait de comploter contre lui.
Parmi les manga qui le montrent sous ce jour plutôt négatif, on peut signaler Samurai Deeper Kyô de KAMIJÔ Akimine (série terminée, 1999-2006, 38 volumes parus) dans lequel il est décrit comme un être assoiffé de sang et de guerre. Il est très cruel et il veut dominer le monde par la terreur. Plus récemment deux autres mangas mettent en scène ce seigneur important. Il s’agit de Nobunaga Concerto de ISHII Ayumi (série en cours, 6 volumes parus) publié depuis 2009 dans le mensuel Shônen Sunday, Get sun. Passé un peu inaperçu au début de sa publication, ce récit commence aujourd’hui à attirer l’attention des critiques et du public. Saburô, un lycéen ordinaire pas très bon en histoire, se retrouve dans la peau d’ODA Nobunaga dont la personnalité va évidemment beaucoup changer sous l’influence de Saburô. Avec un sens aigu du découpage et un trait agréable, ISHII Ayumi est parvenue à faire l’unanimité autour de son histoire. Même chose pour NISHIMURA Mitsuru (scénario) et KAJIKAWA Takurô (dessin) avec Nobunaga no shefu [Le Chef de Nobunaga). Débuté en 2011, cette série, dont 4 volumes ont déjà été publiés, raconte l’histoire d’un cuisinier, Ken, qui, à la suite d’une chute dans une crevasse, se retrouve au XVIème siècle. très vite, il se retrouve au service d’ODA Nobunaga dont il devient le chef cuisinier. Ce manga sur la nourriture, qui fait la part belle aux différents événements historiques dans lesquels a été impliqué le chef militaire, semble passionner un large public qui peut ainsi assouvir deux passions: l’histoire et la bonne chère. L’intérêt repose aussi sur le fait que Ken profite de son expérience moderne pour introduire des saveurs nouvelles tout en étant parfois contraint de s’adapter aux nécessités du moment. Publié dans l’hebdomadaire Manga times (éd.Hôbunsha), Nobunaga no Shefu est une belle illustration de la capacité des mangaka de se saisir de l’histoire pour construire des récits modernes et rythmés dont on ne se lasse pas une seule seconde.
Odaira Namihei
Référence :
Nobunaga no Shefu de Nishimura Mitsuru et Kajikawa Takurô, éd. Hôbunsha, série en cours, 4 volumes parus.