Il y a tout juste 150 ans, un Français arrivait au Japon pour lui offrir son premier arsenal moderne.
C’est à Yokosuka qu’il faut chercher la plus grande importation de technologie française avec la création de la forge qui deviendra plus tard le fameux arsenal naval. Le chantier a été inauguré le 15 novembre 1865, avec la collaboration de Léon Roches (1809-1900), consul français sollicité par le Shogunat. Les Japonais avaient initialement prévu de la bâtir dans la baie de Nagaura. Mais après un sondage fait par les Français, il s’est avéré que la baie n’avait pas une profondeur suffisante. A côté se trouvait la baie de Yokosuka, dont la forme et la profondeur étaient suffisantes, et de plus, elle ressemblait à la baie de Toulon, ce qui joua en sa faveur.
Le consul proposa de construire d’abord une petite forge, avant de passer à un modèle plus imposant. Celle-ci fut installée à Yokohama, dans le quartier de Yoshihama-chô dans le but d’y former les futurs ingénieurs autochtones et d’y fabriquer les matériaux nécessaires à la construction de la forge de Yokosuka. L’équipe de ce grand chantier s’est constituée autour d’Oguri Tadamasa (1827-1868), homme d’Etat, avec le censeur Shibata Takenaka (1823-1879), le ministre de la Marine militaire Ishino Noritane, Kurimoto Jun (1822-1897), et le chargé des Affaires étrangères Asano Ujisuke (1834-1900). Choisi comme directeur, le Français François Léonce Verny estima le budget pour quatre années à 2,40 millions de dollars. Il resta en poste y compris après le grand bouleversement politique de 1868, et séjourna au Japon pendant près de 10 ans jusqu’à son retour en France le 13 mars 1876.
Une fois l’équipe formée, les travaux d’aplanissement furent entamés et le premier dock fut bâti en 1871. Il est encore utilisé de nos jours par la Marine américaine et les forces d’autodéfense japonaise, ce qui prouve bien sa solidité et l’ingéniosité de la technologie française. C’est dans ce chantier naval (rebaptisé ainsi en 1871) qu’a été construit en 1876 le premier navire de guerre japonais Seiki, suivi deux ans plus tard par l’Amagi.
Parallèlement à la construction de la forge de Yokosuka, plusieurs phares furent aussi créés comme celui de Kannonzaki (mis en service le 11 février 1869) qui fut le premier phare moderne du Japon, celui de Nojimasaki (le 19 janvier 1870), celui de Jogashima (le 8 septembre 1870) et celui de Shinagawa (le 4 avril 1870). La France donna ainsi au pays du Soleil-levant les deux sources de lumière de la civilisation occidentale. L’une représentée par les phares comme celui de Kannonzaki et l’autre par Henri Auguste Pélegrin (1841-1882) qui illumina la ville de Yokohama avec ses lampes à gaz, le 29 septembre 1872.
François Léonce Verny créa également l’école de formation des ingénieurs et l’école de formation des artisans, au sein de la forge de Yokosuka. Plusieurs ingénieurs français comme Adolphe François Eugène Dupont (1840-1907), sorti de l’Ecole polytechnique et Paul-Pierre Sarda (1844-1905) de l’Ecole Centrale, furent appelés pour assurer l’enseignement. Les prêtres des Missions étrangères à Paris s’occupèrent de l’enseignement linguistique.
Mme Tatsumi Yoshiko a offert à l’Université de Tôkyô les notes prises par Tatsumi Hajime, Hirono Seiichirô et Takamizawa pendant les enseignements d’algèbre et de géométrie assurés par Sarda et ceux portant sur l’architecture navale que Dupont donnait. Tatsumi Hajime, Sakurai Shozo, Yamaguchi Tatsuya et Kurokawa Yukuma furent les quatre premiers à obtenir le grade de docteur en ingénierie.
Paul Amédée Ludovic Sabatier, médecin de la marine nationale française, fut aussi médecin à la forge de Yokosuka pour s’occuper non seulement des Français et des Japonais y travaillant, mais aussi des habitants du village de Yokosuka. Outre la construction de navires, la Forge a aussi produit des machines et du matériel de construction pour la filature de soie de Tomioka (voir pp. 26-29), ou pour la mine d’Ikuno située dans la préfecture de Hyôgo, sans parler de divers travaux de maintenance pour des navires de guerre nationaux et internationaux, et des navires de commerce. Sa contribution à la modernisation du Japon a été considérable.
Nishibori Akira
Transports :
Les premiers tramways importés au Japon le furent par les Français en 1882. Installés dans le quartier d’Asakusa, puis entre Shimbashi et Ueno. Les premiers modèles étaient tractés par des chevaux. Plus de 130 années plus tard, la France qui a remis le tram au goût du jour aimerait pouvoir de nouveau exporter son savoir-faire en la matière dans l’archipel. Plusieurs protocoles ont été signés dont celui entre Alstom et Japan Transport Engineering Company en 2013.
Odaira Namihei