Présent dans l’archipel depuis plus de 40 ans, le Britannique propose chaque semaine une vision de son pays d’adoption.
Par un bel après-midi tokyoïte, rendez-vous a été pris dans les locaux de la NHK à proximité de l’ancien stade olympique en cours de démolition, pour laisser place à la future enceinte qui accueillera la plupart des épreuves des Jeux de 2020. Peter Barakan, animateur de l’émission Japanology, nous attend pour évoquer son parcours au Japon commencé il y a 40 ans. L’homme qui a notamment permis de construire des ponts entre l’Europe et le Japon sur le plan musical n’appartient pas à cette catégorie d’étrangers “tatamisés” comme on dit avec dédain. Il a conservé une distance avec son pays d’adoption qui lui permet d’avoir un regard juste sur les années qu’il y a passées.
Quand et pourquoi êtes-vous venu au Japon pour la première fois ?
Peter Barakan : Il y a 40 ans maintenant. C’est une histoire un peu étrange. Dans la version courte, une maison de disque avait fait paraître une annonce et cherchait à recruter un Anglais pour venir travailler à Tôkyô. Je l’ai découverte alors que j’étais employé chez un disquaire à Londres. Dans la version longue, j’avais étudié le japonais à l’université, et c’est cela qui est étrange, il n’y a jamais eu de raison valable pour justifier la raison de mon choix. On me pose toujours cette question, et si je dois me justifier, c’est parce que j’ai toujours aimé les langues, à mon avis. J’ai étudié pendant 7 ans le latin et le grec à l’école et je me suis régalé. Ce sont des langues mortes qui ont peu d’utilité si ce n’est de pouvoir comprendre sa propre langue. Non seulement l’anglais, mais également la plupart des langues européennes. Au moment où je tentais de choisir mon orientation à l’âge de 17 ans, je refusais d’aller sur le marché du travail.
À l’époque en Angleterre, les impôts sur le revenu avoisinaient les 30 %, par contre les études à l’université étaient gratuites. Je n’avais pas à me sentir coupable vis-à-vis de mes parents d’aller à l’université. Alors je me suis décidé et je me suis dit : “je n’ai qu’à apprendre une langue ou une autre”. Je n’arrivais pas à me décider, il n’y avait rien en particulier qui me donnait envie. Si je me mettais à étudier une langue à ce moment-là, je ne voulais pas que ce soit une langue européenne comme une autre, sinon il me suffisait d’aller vivre dans ce pays pour l’apprendre. Je me suis dit que je devais me lancer un défi. Quand un jour le japonais fit son apparition dans une conversation, je me suis dit : “mhhh, pourquoi pas ?”. C’est amusant car j’en parlais justement aujourd’hui avec une personne qui vit aux Etats-Unis. Elle s’est mise à étudier cette langue pour les mêmes raisons, à peu de chose près. Je suis donc parti m’inscrire à la fac pour étudier le japonais. Rétrospectivement, cela peut sembler très étrange comme façon de faire. Mais vous savez, quand on a 17 ou 18 ans on a tendance à faire des choses étranges.
Alors, après la fac, je ne savais pas ce que je voulais faire dans la vie. Je n’avais pas une envie pressante de venir vivre au Japon à l’époque. Il n’y avait alors rien de plus important pour moi que la musique, et je voulais travailler dans ce domaine en lien avec la musique. Mon premier travail était donc dans une boutique de disques. J’y ai travaillé pendant 9 mois. Et soudain il y avait cette opportunité d’aller à Tôkyô qui s’est présentée. C’est arrivé tout d’un coup. Et quand ils m’ont donné un coup de fil pour me dire : “oui, nous voulons que vous veniez”, ce fut encore plus soudain, puisqu’ils souhaitaient que je vienne dans les 10 jours après leur appel.
Est-ce que le départ a été difficile ?
P. B. : Non, parce que c’est arrivé si vite. Si je n’avais jamais eu l’intention de partir, dès le départ je n’aurais jamais répondu à l’annonce. Je ne savais pas combien de temps j’allais rester, je n’y pensais même pas. Je n’avais alors que 22 ans. C’était comme partir à l’aventure, et me voici toujours là, 40 ans plus tard.
Vous rappelez-vous de vos premières impressions en arrivant à Tôkyô ?
P. B. : La première impression a été celle d’un choc. Parce que je suis arrivé le 1er juillet, en pleine saison des pluies. Il pleuvait des cordes. Le ciel était d’un gris sombre et je n’avais jamais vu une pluie comme celle-là. En Europe, du moins à l’époque, on ne voyait jamais de telles averses.
Même en Angleterre ?
P. B. : Il pleut beaucoup en Angleterre, mais pas autant, vous savez, pas comme pendant la saison des pluies. Et à l’époque, il n’existait pas de rampe d’accès pour l’avion. On devait donc descendre l’escalier, prendre le bus. C’était à l’époque de Haneda. Narita n’était pas encore ouvert. En une seconde top chrono, je me suis retrouvé trempé. Donc ce fut comme un choc, et bien sûr le taux d’humidité était bien supérieur. Mais bon, enfin, quelqu’un s’était déplacé pour m’emmener au bureau. Mes premières impressions sont plutôt d’ordre olfactif. Je pense que chaque pays possède sa propre odeur. Et je me souviens quand je suis allé manger un repas le premier jour. On m’a emmené déjeuner dans un restaurant de soba, et je me souviens de l’odeur de la sauce de soja mélangée au dashi. C’était une odeur très particulière et je n’avais encore jamais senti rien de tel avant en Angleterre. Ce n’était pas désagréable, mais c’était un parfum très puissant. Je me souviens que c’était même une odeur suffocante, du moins pendant un certain temps. Il y a d’autres odeurs, d’autres aliments cuisinés que je n’arrive toujours pas à apprécier. L’odeur du daikon (radis blanc), par exemple. Je n’ai jamais aimé l’odeur du daikon oroshi (radis râpé). Je dois m’enfuir quand je la sens. C’est la même chose avec l’oshinko, ces légumes macérés à la japonaise. Je n’apprécie pas leur parfum. J’ai le souvenir de m’être rendu une fois dans un grand magasin et entre l’entrée principale et l’escalier qui descend au sous-sol, on trouve la partie alimentaire du magasin, et tout de suite, on perçoit l’odeur des oshinko. Et je me suis dit : “zut, il faut que je m’échappe d’ici”. Il y a donc eu de petits chocs culturels de ce genre. Ou plutôt que des chocs culturels, des petites choses comme celles-là.
Des chocs olfactifs…
P. B. : Exactement. Des chocs olfactifs. Mais c’était une grande aventure. Tout était nouveau. Bien qu’ayant étudié la langue, ce n’était qu’un cours de langue et je n’avais pas tant appris sur la culture japonaise. On devait lire un livre, en seconde année si je me souviens bien. Nihonjin no ikikata [La façon de vivre des Japonais] était son titre. Une partie traitait de la culture japonaise. Et en troisième et en quatrième année, j’ai étudié pendant un temps la sociologie. Il n’en reste pas moins vrai que lire un livre et faire l’expérience d’un lieu de première main sont des choses complètement différentes. Ce fut une grande aventure dès le départ. Une expérience très intéressante puisque je n’avais pas tant de connaissances que ça, et je n’avais pas beaucoup d’a priori ce qui m’a aidé à m’intégrer. Si j’avais étudié beaucoup plus, et que j’avais eu bien plus d’a priori, peut-être ce n’aurait pas été aussi facile. Peut-être.
C’est tout à fait possible en effet.
P. B. : Je me souviens par contre, par un jour d’été en 1974, il y a bien 40 ans, alors que ce n’était que la seconde semaine après être arrivé et j’avais un ami qui vivait ici, un ami japonais alors que je venais d’arriver. Et je me souviens que sa sœur m’avait emmené découvrir Shinjuku. C’était le week-end, un dimanche certainement puisque c’était hokosha tengoku [le paradis des piétons]. Les voitures n’avaient pas le droit de circuler ce jour-là, et ce devait être le quartier de Shinjuku dôri. Il y avait un de ces mondes, et là ce fut un choc. En effet, je me doutais bien que Tôkyô était une ville énorme avec, une population incroyable. Mais de voir en vrai des milliers et des milliers de personnes dans la rue. La rue à Shinjuku était large, et là je me souviens d’avoir été surpris. Je me souviens aussi de m’être perdu à plusieurs reprises dans la gare de Shinjuku pendant la première année. L’idée même d’une gare aussi grande, il n’y a rien de tel à Londres, avec toutes ces lignes de trains la traversant. Ah oui, il y a encore autre chose… Vous allez devoir m’arrêter à la fin, sinon…
Sinon quoi ? Votre découverte de Tôkyô est passionnante…
P. B. : Il y avait les distributeurs de tickets ! On était en 1974. Je ne connais pas Paris, mais à Londres, les distributeurs de billets dans les gares étaient très primitifs. Il fallait mettre le bon montant en monnaie. Et presque tout le monde, enfin personne ne s’en servait. Tout le monde se rendait au guichet et faisait la queue pour prendre son billet pour pouvoir monter à bord. Sauf si vous aviez un abonnement. Au Japon, il y avait des rangées entières de machines, et on pouvait y introduire autant de pièces que l’on voulait et la monnaie nous était rendue ! C’était si efficace ! Probablement parce que… Je n’imaginais pas l’Angleterre être à la traîne, et je pense que c’était le cas pour la plupart en Europe. Et les banques aussi disposaient de distributeurs… Il y en avait à Londres, mais je ne m’en étais encore jamais servi. Mais me voilà arrivé au Japon et toutes les banques en avaient au milieu des années 70. Et je suppose, cela m’a effrayé. Je ne savais pas m’en servir, et je ne m’en suis pas servi avant quelques années. Je me rendais au comptoir et je demandais à l’employé pour retirer de l’argent.
Bien qu’il y ait ce côté effrayant, vous vous êtes bien adapté…
P. B. : Pour commencer, oui, j’aimais tout ce que je voyais. Mais tout était nouveau pour moi et c’était une expérience inédite. Au bout d’un an, je m’y suis habitué. Toutefois beaucoup de choses étaient sources de frustration aussi, et pendant un temps cette frustration avait fini par me gagner au point d’envisager de rentrer. C’était pendant la seconde année. Je me souviens avoir écrit une lettre à ma mère lui expliquant mes sentiments. Et elle m’avait répondu : “Eh bien, je pense comprendre ce que tu me dis, mais il faut que tu te rendes compte que ce n’est pas le Japon qui a changé, mais c’est toi qui es différent”.
Vous aviez mûri ?
P. B. : Possible puisqu’après avoir lu sa lettre, je me suis dit « bien… », et dès cet instant, j’ai senti toute ma frustration se dissiper et je suis devenu beaucoup plus neutre à ce propos.
Vous avez accepté la situation.
P. B. : Cela m’arrive encore de me retrouver contrarié par certaines caractéristiques de Tôkyô, et peut-être du Japon en général. De toute évidence, j’ai grandi dans une société complètement différente et les expériences que l’on vit pendant l’enfance ont beaucoup de poids dans une vie à mon avis. Je ne me vois pas vraiment comme un Britannique, par contre je me vois très bien comme Londonien. Et il reste en moi encore beaucoup de Londres, et certainement je dois admettre qu’il me reste quelque chose de la mentalité britannique aussi. J’ai une bonne connaissance du Japon bien sûr, et j’aime ce pays de différentes manières, cependant je ne suis pas tout à fait à l’aise avec certains de ses aspects. Vous savez, surtout la culture de masse.
Vous avez d’abord travaillé dans une entreprise dédiée à la musique. Vous faisiez le lien entre les musiciens japonais et européens. Que retenez-vous de cette expérience ?
P. B. : Dans mon premier emploi, je travaillais pour une boîte qui publiait des magazines. L’équipe éditoriale interviewait souvent des musiciens, alors je les accompagnais pour servir d’interprète.
Et cette expérience qui vous a permis de rapprocher des gens avec votre connaissance de la culture et de la société japonaises, vous sert-elle aujourd’hui dans votre travail au sein de Japanology ?
P. B. : Oui, tout à fait. Car je pense que la plupart des personnes qui regardent Japanology ont un intérêt pour le Japon, qu’il soit lié à la culture traditionnelle, au manga ou à autre chose. Ils en savent ainsi quelque chose, mais il est probable qu’ils n’en savent pas beaucoup plus, sauf s’ils ont vécu au Japon. J’ai l’impression que mon rôle est de rendre le contenu plus accessible pour le public non japonais. Les personnes qui créent ces émissions, soit les directeurs de NHK ou les producteurs, ne parlent pas l’anglais. Ils ne parlent que le japonais et n’ont vécu qu’au Japon, alors leur approche est très japonaise. Souvent, lorsque je lis l’un de leurs scénarios, je leur réponds : “Ce que vous souhaitez demander, ou ce que j’aborde ici, c’est quelque chose que seul un Japonais comprendrait. Si nous voulons communiquer cela au public étranger, nous devons le formuler autrement, comme ceci par exemple”. C’est très courant pendant l’émission, et si nous voulons que nos émissions sur le Japon soient efficaces auprès d’un public étranger, il faut prendre cela en considération. Quelqu’un doit parfois traduire les idées. Cela fait longtemps que l’émission existe… elle a changé de format à deux reprises. La première version de Japanology, qui était diffusée les week-ends, a été lancée en 2003, alors cela fait 12 ans que nous existons.
L’émission a toujours été hebdomadaire ?
P. B. : C’est un programme hebdomadaire qui diffuse une quarantaine d’émissions par an, je crois. La dernière semaine de chaque mois nous rediffusons une émission.
D’après vous, quels sont les aspects de la culture et de la vie quotidienne japonaises qui intéressent le public ?
P. B. : C’est une question difficile, je n’ai pas vraiment de réponse. Nombreux sont ceux qui me contactent via Facebook. Parfois, certaines personnes me proposent des idées qu’elles aimeraient voir traitées par Japanology. L’autre jour, quelqu’un m’a proposé… c’était quoi déjà ? Un sujet sur le verre je crois. Mais c’était un sujet assez pointu. Il m’a écrit : “vous devriez faire une émission là-dessus”. Quelqu’un d’autre nous a demandé de faire une émission sur… des sabres ? Des sabres japonais. Au fur et à mesure, et surtout lors des 3 à 4 dernières années, les gens se sont habitués à Japanology. Mais peu de personnes ont suivi les débuts de l’émission, et nous avons déjà couvert un certain nombre de ces thèmes. Je pense que nous les aborderons à nouveau.
Votre approche est-elle ainsi différente de l’approche des chaînes privées japonaises ? Elles accueillent souvent des invités étrangers qui viennent échanger sur leur propre culture et sur ses ressemblances avec la culture japonaise. Mais ces propos restent en surface, alors comment vous démarquez-vous de ces émissions ?
P. B. : Je ne suis pas vraiment fort en divertissement, et j’ai tendance à être un peu plus sérieux. Je suis de nature plutôt réservée. C’est peut-être un trait un peu britannique. Mais en cela, NHK me convient bien. Je trouve que nous allons bien ensemble. J’adore la dimension pédagogique de l’émission. Mais d’un autre côté, elle est aussi divertissante, alors je fais de mon mieux pour qu’elle ne soit pas trop coincée. J’aime bien qu’elle soit un peu décontractée, alors j’espère paraître un peu détendu à l’écran ! Enfin, j’essaye !
J’étais récemment dans les préfectures de Tottori et de Shimane. Voilà des années que je ressens la fracture entre Tôkyô et le reste du pays, mais je pense l’avoir ressentie encore plus fortement là-bas. Les gens y meurent, c’est un Japon qui disparaît. Cela m’a rendu triste. Lorsque vous travaillez sur Japanology, êtes-vous surtout à Tôkyô, ou vous rendez-vous aussi en province ?
P. B. : Nous sortons assez souvent de la capitale, mais seulement pour la journée. Nous partons tôt le matin et rentrons le soir. De temps en temps, en été, lorsque la destination est un peu plus lointaine, j’y reste une nuit, mais j’ai rarement le temps de partir en expédition. Je trouve en effet qu’on découvre le vrai Japon à l’extérieur de Tôkyô. Tôkyô c’est un peu comme New York aux Etats-Unis. C’est parfois un tout autre pays.
Alors pourquoi ne pas avoir appelé l’émission Tokyology, plutôt que Japanology ?
P. B. : (rires) En fait, il existe déjà une autre émission qui s’appelle Tokyo Eye. Certes, nous ne traitons pas d’autres régions du Japon, mais pour ce faire, je devrais changer de boulot. C’est malheureusement impossible pour moi d’aller passer une semaine à Shimane par exemple. Les gens sont bien différents de ceux à Tôkyô lorsque tu les rencontres. Ils sont tellement accueillants ! J’ai l’impression que, où que l’on soit dans le monde, les gens sont généralement plus sympas dans les campagnes. Ce n’est pas qu’au Japon. Lorsqu’on se rend dans certains endroits un peu reculés de la campagne, Akita par exemple, c’est comme si on avait affaire à un tout autre peuple.
Je voudrais parler avec vous de votre passion pour la musique. La musique et Japanology. Vous avez une émission, et elle est destinée à une audience japonaise. Alors imaginons que vous ayez une émission musicale destinée à des étrangers, pour leur faire découvrir la musique japonaise…
P. B. : J’adorerais cela !
Comment l’envisageriez-vous ?
P. B. : En plus de l’émission diffusée sur NHK, j’ai aussi une émission sur Inter FM. Lorsque Inter FM a été créé en 1996, j’y avais une émission en anglais. Alors de nombreux Tokyoïtes anglophones m’écoutaient. Mais vous parlez d’une émission destinée à une audience internationale ?
Oui, bien sûr !
P. B. : Le Japon est le seul pays à ne pas avoir une radio numérique diffusée au-delà de ses frontières, c’est stupide. D’après moi, c’est parce que les maisons de disques ont une vision plutôt limitée du monde. Ils se disent que “ceci est notre musique, vous ne pouvez pas l’avoir”. S’ils la diffusent en ligne, ils pensent que quelqu’un va la copier. Mais les gars, vous avez été où ces vingt dernières années ?
Comment changer cette mentalité ?
P. B. : C’est le problème. Le Japon a toujours été, comment dire… sensible à l’étranger, à la pression extérieure. C’est difficile de mettre la pression sur le Japon. Tu peux faire du boucan, te plaindre comme je le fais, mais tout le monde s’en fiche. Ça fait quelque temps que je pense aux radios pirates des années 1960, en Europe. C’est intéressant. Ce n’était pas tout à fait illégal, mais presque. Et ça avait tellement la cote avec des millions d’auditeurs, qu’indirectement, ça a fait évoluer les choses. Il aura fallu quelques décennies, mais le paysage médiatique européen a changé de manière drastique dans les années 1980. Je crois qu’il fallait quelque chose du genre pour réveiller le peuple. C’est peut-être ce dont ont besoin les Japonais, pour se réveiller et provoquer du changement.
Vous avez des idées pour provoquer ce changement ? Vous éloigner du Japon en bateau peut-être ?
P. B. : (rires) Nous n’avons plus besoin de faire cela. On peut se connecter à Internet par le biais d’un serveur qui se trouve en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, ou ailleurs, et ainsi contourner la loi et faire de la radio numérique. Je voudrais faire quelque chose dans ce genre. De nombreuses personnes sont au Japon pour la préparation des Jeux olympiques qui auront lieu dans cinq ans, et nous avons aussi de plus en plus de touristes. Ces gens sont intéressés, ils veulent savoir. Japanology, c’est super. Mais il y a plein d’autres sujets que Japanology ne peut pas traiter avec ses trente minutes hebdomadaires. Et ce serait bien d’avoir un support pour cela. Sans musique, il n’y aurait pas de problème. Mais à partir du moment où l’on diffuse de la musique, il faut contourner la loi. Pour parler des affaires courantes, il n’y a aucun problème par le biais d’Internet ou de podcasts. Mais je suis en train de regarder tout un tas de moyens pour monter un projet de ce genre.
Et en ce moment, quels artistes aimeriez-vous promouvoir ?
P. B. : La plupart des musiciens japonais qui m’intéressent ont tendance à ne pas être très connus ici. Et j’ai remarqué par le passé que les groupes japonais qui ont tendance à plaire à l’étranger ne sont pas les plus connus aussi. Inversement, ceux qui sont les plus connus ici n’intéressent d’ailleurs pas vraiment les Occidentaux. Peut-être que j’ai tendance à écouter des groupes aux influences occidentales. Par exemple, le groupe de funk okinawais basé à Miyakojima, Black Wax, dont les musiciens ont la trentaine. Ils touchent à pas mal de styles, le rhythm and blues, le funk, le jazz, le reggae. Mais avec une touche très locale. De temps en temps, la mélodie est okinawaise. Et puis ils ont une sensibilité qui les démarque. Je les trouve intéressants. D’autres groupes… Il y a un guitariste acoustique que j’ai découvert il y a un an. Il a de grosses influences occidentales, mais il est japonais, et c’est un sacré personnage ! Il s’appelle Hamaguchi Yûji et est originaire de Wakayama. Il a 59 ans et a enregistré son propre disque l’année dernière.
Propos recueillis par Odaira Namihei