Sous le titre Que pensent les Japonais qui habitent Paris ?…, Matsuo Kuninosuke publie, le 15 février 1926, dans le premier numéro de la Revue franco-nippone cet éditorial qui résume assez bien l’état d’esprit qui l’a habité tout au long de ses années passées en France.
“Que pensent les Japonais qui habitent Paris ? Ils sont timides, silencieux, et quelquefois impraticables à cause de leur caractère si peu habitué à se confier en dehors de leur foyer. Les petits oiseaux ne veulent pas quitter leur nid aimé, les arbres et les herbes poussent à leur gré, en groupes, sur la terre qui leur est familière… il n’en est pas toujours ainsi chez les hommes, qui sont de nature pareille, bien que leurs modes d’expression en soient différents.
On peut dire avec Sully-Prudhomme, que ‘tout ordre social est fondé en partie sur une capitulation consacrée dans la loi et dans les mœurs, par un ensemble de stipulations et de promesses expresses et tacites ’. Cependant, plus que la crainte, il y a la conscience d’aimer son prochain, bien que ce sentiment ait pour origines, l’égoïsme ou la peur de la solitude, mais n’exagérons pas trop notre scepticisme en pénétrant jusqu’au fond des choses.
Unissons-nous et aimons -nous, combattons de toutes nos forces l’Hostilité entre les hommes, par des sentiments philanthropiques au sens le plus positif du mot.
Nous, Japonais, nous aimons la France et les Français, tant pour leur sentiment artistique que pour leur esprit clair et humanitaire ; en échange, nous voudrions que les Français comprissent notre âme, car ils prétendent que l’âme et l’esprit japonais sont trop difficiles à saisir, les différences de mœurs entre ces deux pays étant trop grandes. Pourtant, c’est souvent à cause d’une différence que deux Nations s’attirent et quelquefois désirent échanger leur mutuelle sympathie ; leur rapprochement doit alors être courageusement cultivé.
C’est dans ce but que nous fondons cette Revue. C’est un modeste travail, mais nous en serions récompensés s’il portait ses fruits.
L’aurore se lève. Le moment est venu pour les Occidentaux et les Orientaux de marcher la main dans la main. L’Amitié des hommes issue de la bonne volonté et de beaux sentiments, sera l’âme de la paix.
K. Matsuo”