Spécialiste de l’exploration urbaine, le photographe Jordy Meow nous entraîne dans un voyage étonnant au cœur d’un Japon oublié.
Les Japonais sont fascinés par la France, parce qu’on y entretient les bâtiments anciens et que la concentration de ce genre de bâtisses est bien plus impressionnante qu’au Japon où l’on a l’habitude de raser des immeubles pour en construire d’autres tous les 30 ans. Et si l’homme ne s’en occupe pas, la nature se substitue à lui pour faire le travail. Dans les grands sanctuaires shintoïstes comme celui d’Izumo, tous les 60 ans se déroule le sengû (translation), cérémonie au cours de laquelle les divinités sont déplacées temporairement le temps de reconstruire le bâtiment où elles habitent généralement. Malgré cette culture de renouvellement régulier, il existe des “restes”, des “vestiges”, des “haikyo” comme on dit au Japon la plupart du temps bien cachés à quelques rares exceptions près que des chasseurs spécialisés traquent dans tout l’archipel. Certains se spécialisent dans certains domaines comme les chemins de fer. Ils partent alors sur les traces des lignes oubliées pour découvrir, au milieu d’une nature qui a repris ses droits, un ancien hangar en briques construit il y a plus d’un siècle voire une carcasse de locomotive. D’autres vont se perdre dans la jungle des villes pour découvrir des lieux qui ont échappé pour diverses raisons à la destruction. Parmi ces spécialistes de l’exploration urbaine, un Français. Jordy Meow, c’est son nom, est installé au Japon depuis 2007. Originaire d’Arcachon, il s’est pris de passion pour cette forme de chasse au trésor dans un pays qui a priori devrait en être dépourvu. Il partage aujourd’hui ses découvertes dans un ouvrage édité par la toute jeune maison d’édition Issekinicho qui fait ainsi preuve d’originalité pour présenter un visage méconnu du Japon. Dans l’introduction de Nippon no Haikyo, vestiges d’un Japon oublié, l’auteur rappelle les règles fondamentales auxquelles doit adhérer le “haikyoïte” : “laisser le lieu dans l’état où nous l’avons trouvé”, “garder la localisation du lieu secrète”. Cela signifie que l’amateur de “vieilles pierres” doit se livrer à une enquête minutieuse pour arriver à découvrir un de ces endroits fantômes où règne une atmosphère digne des meilleurs films d’horreur. Cela veut dire aussi que ces endroits se sont figés dans le temps et réservent donc des surprises étonnantes comme le Môtel Fûrin, un love-hotel situé quelque part dans la préfecture de Chiba, à l’est de Tôkyô, qui n’a pas bougé depuis sa fermeture, il y a une dizaine d’années. On a juste l’impression qu’il a été abandonné dans la précipitation. Jordy Meow a rassemblé des dizaines de lieux regroupés par thème dans cet ouvrage soigné qui, une fois refermé, nous donne une seule envie, celle de faire son sac et de rejoindre cet Indiana Jones du XXIème siècle.
Odaira Namihei
Référence :
Nippon no haikyo, vestiges d’un japon oublié de Jordy Meow, Editions Issekinicho, 29,95 €.