Spectrum Films est un nouvel acteur dans l’univers de la distribution cinématographique avec un tropisme pour les productions venues d’Asie et notamment du Japon. Pour sa première sortie de DVD, le jeune distributeur nous régale d’une perle signée Miki Satoshi. Adrift in Tokyo (Ten ten) est, en effet, un film d’une grande qualité et d’une subtilité rare malgré une première scène qui aurait tendance à nous faire penser le contraire. On y fait la connaissance de Fumiya, interprété avec brio par Odagiri Jô, contemplant un tube de dentifrice avant de se retrouver presque étouffé par l’autre héros du film, Fukuhara (Miura Tomokazu), venu récupérer les 840 000 yens qu’il doit à ses créanciers. Mais Fumiya est bien incapable de rembourser cet argent. C’est un malchanceux que Fukuhara va en définitive sauver, en lui proposant un marché : une grosse somme d’argent contre une promenade dans Tôkyô, le temps que le collecteur de créances se rende à la police pour répondre de la mort de sa femme. Etrange proposition que Fumiya acculé ne peut pas refuser. Dès lors, les deux hommes s’en vont à pied dans la capitale. Fukuhara, l’homme qui est capable de tuer avec une chaussette, part en quête de souvenirs avec l’envie d’en faire naître dans le cœur de Fumiya dont l’enfance n’a pas été des plus heureuse. Miki Satoshi suit ses deux personnages dans les ruelles de Tôkyô, celles que l’on ne voit jamais dans les reportages, celles qui donnent à cette métropole une âme si forte. On y croise toutes sortes de personnages décalés que le réalisateur impose comme des respirations dans ce film drôle, mais aussi poignant. L’apparition de Makiko, incarnée par la grande Koizumi Kyôko (magnifique dans Shokuzai de Kurosawa Kiyoshi), en épouse factice de Fukuhara, permet à Fumiya de se construire, le temps de quelques heures, une famille comme il n’en a jamais connue. Dans ce road movie sans voiture ni moto, on assiste à un passage de témoin entre deux hommes que tout séparait, mais que tout finalement rapproche. Miura Tomokazu est juste éblouissant dans ce rôle de guide tandis que Odagiri Jô nous épate en naïf qui, peu à peu, se transforme. La photographie du film est également irréprochable, donnant à Tôkyô une humanité que l’on ne lui soupçonnait pas. Sorti en 2007 au Japon où il a retenu l’attention du public et des critiques, il aura fallu 6 ans pour qu’il parvienne en France.
Il ne nous reste plus qu’à croiser les doigts pour que les prochaines sorties de Spectrum Films soient de ce niveau. En tout cas, on en redemande. Vous savez ce qu’il vous reste à faire pour en avoir d’autres : acheter Adrift in Tokyo.
Gabriel Bernard
Référence :
Adrift in Tokyo de Miki Satoshi, Spectrum Films, 19,95€