Installée en Italie, la mangaka a justement choisi un personnage italien pour explorer l’histoire moderne du Japon. Passionnant. L’éditeur Rue de Sèvres publie dans les prochains jours le premier volume de Giacomo Foscari, œuvre magistrale de l’excellente Yamazaki Mari rendue célèbre par Thermae Romae. Dans cette nouvelle série, l’artiste aborde la question de l’identité et explore l’histoire du Japon d’après-guerre au tournant des années 1960 à travers les yeux d’un enseignant italien. Une formidable leçon dont Zoom Japon vous offre en exclusivité les premières pages sur son site Internet : www.zoomjapon.info. Yamazaki Mari a répondu à nos questions concernant ce nouvel opus. Dans votre parcours, vous êtes partie à l’étranger très jeune. Le fait de vous éloigner de votre pays vous a-t-il aidé à voir certains aspects de celui-ci d’un point de vue plus objectif ? Yamazaki Mari : Oui bien sûr. Ma famille avait déjà beaucoup d’affinités avec les cultures étrangères. Depuis que je suis petite, et même lorsque j’étais encore au Japon, j’entendais ma mère et mon grand-père critiquer la société japonaise, et pointer du doigt ses incohérences. De ce fait, même en étant Japonaise, j’avais sans doute moins la sensation d’être en symbiose avec l’état d’esprit japonais que les autres. La plupart de vos œuvres traitent des problèmes relatifs à l’identité, Giacomo Foscari (publié dans le mensuel Office You) est sans doute l’une des plus emblématique à ce sujet. Pouvez-vous me dire quel est votre avis sur la question de l’identité ? Y a-t-il une corrélation pour vous entre cette problématique et Tabe Mitsuharu, le personnage inspiré par l’écrivain Abe Kôbô qui apparaît dans votre manga ? Y. M. : Bien qu’il soit d’origine japonaise, Abe Kôbô a passé son enfance en Mandchourie. Une fois rentré au Japon, on peut dire qu’il n’avait aucune appartenance sociale ou géographique. C’est un homme qui a vécu sans attache, avec une identité confuse. Quant à moi, j’ai également vécu longtemps à l’étranger, notamment en Italie. Quand bien même je suis Japonaise, je n’ai pas vraiment le sentiment d’appartenir à la société nippone. Je dois dire que ma propre identité est également confuse. Un lieu où l’on peut retrouver ses racines… Voilà une chose qui est floue chez moi. A partir du moment où, bien que née à Tokyo, j’ai finalement grandi dans une région où ma mère a préféré s’installer (à Hokkaido), les pistes se sont brouillées, et ce, même à l’échelle de mon propre pays d’origine. Giacomo Foscari se déroule dans les années 1960, une période clé dans l’histoire moderne du Japon. C’était une époque animée par de vives polémiques politiques, et où le Japon était en plein essor économique. Si vous avez choisi cette période pour votre propre histoire, est-ce dû à la nostalgique de l’ère Shôwa (1926-1989) qui s’exprime dans de nombreux domaines ces derniers temps ? Ou vouliez-vous adresser un message particulier à vos...