Depuis mon enfance, je rêvais de passer un printemps sans avoir de soucis dûs au pollen. Comme le savent tous les amateurs du Japon, la saison des fleurs de cerisiers, sakura, est importante pour beaucoup de Japonais, dont je fais partie. Fouler ces pétales tapissant la rue ainsi que la vue du ciel découpé par des milliers de branches chargées de fleurs roses quasi blanches, m’emplissait de joie. Mais, cette saison est aussi la saison du pollen de sapin qui fait souffrir beaucoup de Japonais, dont je fais partie. Ce pollen ne me provoquait pas seulement des éternuements ininterrompus. Il me bouchait le nez, provoquait de l’eczéma et me rendait les yeux rouges et gonflés qui me démangeaient tout le temps. Je passais ainsi tous les printemps en portant un masque et des lunettes de protection. Le printemps était alors devenu une saison insupportable et j’avais perdu le plaisir d’admirer les sakura. En arrivant en France pour la première fois il y a une vingtaine d’années, j’ai passé les mois de mars et d’avril sans me gratter les yeux ! Apparemment le pollen de sapin français ne m’a pas atteinte car je suis étrangère, c’était ma conclusion. J’ai pu enfin me réjouir de l’arrivée du printemps ! Depuis, les masques ont disparu de ma vie. D’ailleurs je n’en porte plus même quand je suis enrhumée car on m’a dit qu’en France si j’en portais, on me considèrerait comme une personne paranoïaque. Je ne savais pas que les Français n’avaient pas l’idée de porter un masque pour protéger les autres contre les microbes que l’on pourrait disperser… En m’habituant à un monde sans masque, quelques années plus tard quand je suis retournée dans mon pays pour la première fois au printemps, j’ai été surprise de voir les douaniers portant tous un masque, j’ai eu l’impression d’atterrir sur un planète inconnue.
Cette année je recommence à éternuer depuis quelques semaines. Apparemment mon allergie au pollen revient. Cela voudrait-il dire que je ne suis plus étrangère aux yeux du pollen français ?
Koga Ritsuko