Dans ses romans, on a l’impression que Murakami cherche beaucoup à mettre à contribution l’ouïe des lecteurs. Konuma Jun’ichi : En effet. On y trouve nombre de musiques et on ne compte plus le nombre d’artistes et de morceaux qui y apparaissent. Dans Les Amants du Spoutnik, on a même une musique qui vient d’un monde étrange. Il y a néanmoins quelque chose de très important à mes yeux, c’est le rapport au silence. On rencontre souvent des situations sans musique et des descriptions pleines de silence. Ainsi dans La Fin des temps apparaît une femme sans voix. Il y a donc beaucoup de musique et il y en a eu beaucoup. Mais d’un côté, il y a des situations soutenues par le silence ou extrêmement paisibles. Que trouve-t-on entre les deux ? On est tenté de penser qu’il ne se passe pas grand chose comme ces infimes changements de musique. Pourtant, c’est sans doute la marque de fabrique de son écriture. Murakami place le centre de gravité de son œuvre dans la narration. Il ne se concentre pas sur les petits détails. Ceux-ci ne viennent pas rompre le débit de l’histoire. Voilà pourquoi il est difficile d’en percevoir la mesure accoustique sans pour autant aller jusqu’à mettre en cause la présence ou non d’une musique dans son œuvre. Elle est évidemment liée de manière étroite à l’écriture de l’auteur. Ses romans sont bâtis de telle sorte que deux mondes coexistent. Par rapport à la littérature du XIXème siècle qui mettait l’accent sur la description, Murakami ne pose aucune limite. Depuis la seconde moitié du siècle dernier, de nombreux écrivains n’attachent pas d’importance à la description visuelle. Du fait de la télévision, du cinéma et d’Internet, ils semblent ne pas vouloir s’embêter avec cela, préférant mettre l’accent sur la dimension sonore. Cela varie bien sûr d’un auteur à l’autre, mais il est clair que Murakami y consacre une attention particulière. D’après vous, les références au jazz ou à la musique pop qui caractérisent l’œuvre de Murakami ont-elles favorisé le fait qu’il soit perçu comme un écrivain sans frontières ? K. J. : Il est clair que le jazz et la pop américaine sont devenus des éléments communs à la culture de masse des pays...