L’essayiste Yomota Inuhiko nous offre ses réflexions autour du dernier roman de Murakami paru en France chez Belfond. Lors de la parution des deux premiers tomes de 1Q84 dans l’archipel, la critique a été très partagée, tout en reconnaissant dans ce long récit la patte de Murakami Haruki. De nombreuses personnes se sont lancées dans des recherches sur les mouvements religieux tels qu’ils étaient décrits. Rien d'étonnant, car on en compte au Japon quelque 3000. Non seulement les enquêtes sur la secte Aum avaient été insuffisantes, mais le pouvoir judiciaire avait tout fait pour occulter ce qui s’était passé. Reste que prétendre saisir les intentions de l’auteur et la conclusion de cette œuvre en s’appuyant seulement sur la connaissance des tenants et des aboutissants de l’affaire est sans doute un peu trop simpliste pour un critique. Chez les féministes, de farouches réactions se manifestèrent au sujet du personnage central d’Aomame. Si un lacanien se lançait dans le décryptage de l’ouvrage à l’aune de son maître à penser, un amateur de SF pourrait le prendre comme une fiction dystopique et un fasciste pourrait, lui aussi, y trouver son compte en le lisant au miroir du fascisme. Ce qui m’a d’abord interpellé dans 1Q84, c’est le nom des personnages. Tengo signifie : “Moi, seul dans l’univers”. Celui d’Aomame, une fille qui pourrait ressembler à Faye Dunaway, veut littéralement dire : “un petit pois encore immature et dur”. En voyant ces noms, j’ai immédiatement pensé que l’ensemble de ce roman raconterait l’histoire d’une initiation. Dans l’écrin de sa mémoire, Aomame dort avec Tengo. Cet écrin, c’est le cocon enveloppant la chrysalide. La “chrysalide de l’air” où se déroule le mélodrame d’Aomame et de Tengo, n’est rien d’autre qu’un monde hédoniste régressant dans l’enfance....