Scénariste de Taniguchi Jirô, il a aussi écrit l’histoire du manga Mes petits plats faciles publié chez Komikku. Comment est née l’idée de Mes petits plats faciles (Hana no zubora-meshi) ? Kusumi Masayuki : L’idée vient d’une éditrice, qui, sachant que j’avais travaillé sur une autre œuvre intitulée Le Gourmet Solitaire, m’a demandé si je pouvais en faire une version féminine. L’idée de base était donc de parler d’une femme et de nourriture. Au tout début, nous imaginions qu’elle achèterait de la nourriture par correspondance, mais je n’étais pas à l’aise avec cette idée parce que moi-même, je n’achète pas de cette manière. Par conséquent, je suis parti sur l’idée toute simple d’une femme qui mange seule chez elle. Et comme le magazine où cette histoire était prépubliée s’adresse à un lectorat de femmes au foyer, j’ai décidé de faire de mon héroïne une femme au foyer. Par ailleurs, comme je ne voyais pas comme faire rêver les lectrices avec un personnage âgé, j’ai choisi de créer une jeune femme de trente ans mais qui fait moins que son âge. Ensuite, nous avons choisi la dessinatrice, en l’occurrence Mizusawa Etsuko, parmi plusieurs dessinateurs. Après avoir vu ses dessins, j’ai encore peaufiné l’histoire. Comment avez-vous fait ce choix ? K. M. : D’abord, l’éditrice a fait une sélection et m’a présenté divers genres de dessins. J’ai choisi celui qui me plaisait le plus. Qu’est-ce qui vous plaît dans le dessin de Mme Mizusawa ? K. M. : J’ai pensé que son trait plairait et aux femmes et aux hommes. Par ailleurs, moi-même, je ne lis pas ce genre de manga, alors j’ai trouvé que c’était un défi intéressant. C’est typiquement le genre de dessin qui ne m’attire pas en tant que lecteur ! (rires) J’ai commencé ma carrière dans ce milieu il y a trente ans et dès le début, je me suis toujours associé à une personne qui avait un style complètement différent du mien. Je dessine moi aussi, mais pas de manga, plutôt des illustrations. La première personne avec laquelle j’ai collaboré avait un style de dessin très réaliste et même un peu sombre. Tout mon contraire ! Et c’était très intéressant. Puis j’ai collaboré avec Taniguchi Jirô. Quand j’ai réalisé que j’allais travailler avec cet auteur, je sentais un tel fossé entre nous que j’ai eu un moment d’hésitation. Mais là encore, c’est justement parce que nous sommes très différents que ça a été intéressant de travailler ensemble. Racontez-nous votre rencontre avec Taniguchi Jirô. K. M. : Je l’ai rencontré dans le cadre du projet du Gourmet Solitaire. J’avoue que je ne vais pas vers les gens de moi-même, ce sont plutôt les gens qui viennent à moi. Les histoires que j’écris évoluent en fonction de ces rencontres. Dans le cas du Gourmet Solitaire, c’est Taniguchi Jirô qui m’a contacté pour me demander d’écrire un scénario au sujet de la nourriture. Quels souvenirs gardez-vous de votre collaboration sur Le gourmet solitaire (Kodoku no Gurume, 1994) et Le Promeneur (Sanpo mono, 2003) ? K. M. : Je lui ai remis le scénario de la première histoire et diverses photos de documentation. Et, plus tard, quand j’ai vu le résultat, j’ai été bluffé par la précision et le détail de ses dessins. Dans les histoires que j’écris, il ne se passe pas grand-chose, il n’y a pas de grand événement. J’ai presque été gêné que mes histoires, qui sont si simples, soient si bien dessinées et qu’avec son équipe, il y consacre tant de temps. Pour Le Promeneur, j’ai souvenir de m’être beaucoup promené ! (rires) Quand on se promène, on marche sans but particulier. Une promenade n’a pas vraiment de sens. C’est pour écrire des histoires dépourvues de sens mais intéressantes malgré tout que j’ai parcouru tout Tôkyô, en quête d’inspiration ! À chaque fois que je rentrais d’une promenade, je me disais : “Je vais avoir du mal à faire un manga à partir de ça !”. Comment travaillez-vous avec les dessinateurs, plus concrètement ? K. M. : J’ai deux manières de travailler sur un scénario. La première, c’est d’écrire les textes et de les envoyer. C’est comme ça que j’ai travaillé et avec Taniguchi Jirô et avec Mizusawa Etsuko. La seconde, c’est de dessiner une sorte de story-board que je faxe à la personne avec qui je collabore. C’est ce que je fais pour deux publications actuellement. Quand j’ai commencé à travailler avec Taniguchi Jirô, je savais qu’il voudrait garder la main sur le découpage, alors je me suis contenté d’écrire brièvement ce que j’imaginais sur chaque page, et je le laissais libre de dessiner comme il le souhaitait. Je ne lis l’histoire terminée qu’à la fin de chaque chapitre et je corrige un peu mes dialogues après avoir vu les...