En près de 500 pages, Pierre-François Souyri dresse un portrait saisissant du Japon face à une nouvelle réalité. Ce qui m’interrogeait, c’est que cette société japonaise s’est modernisée sans pour autant s’occidentaliser. Il y avait un problème de fond. En effet, lorsqu’on étudie les textes de tous ceux qui ont participé à cette révolution, on constate que ces gens-là ne pensaient pas comme les Occidentaux de la même époque. Il y avait donc quelque chose qui ne collait pas et j’ai voulu y aller voir d’un peu plus près”. Telle est en substance la motivation de Pierre-François Souyri, professeur à l’Université de Genève, pour écrire Moderne sans être occidental : Aux origines du Japon d’aujourd’hui qui vient de paraître aux Editions Gallimard. Un ouvrage fondamental qui remet les pendules à l’heure et qui ouvre de nombreuses perspectives pour mieux appréhender le Japon contemporain. Pendant de longues décennies, en Occident, on s’est persuadé que le Japon avait procédé à son ouverture et à une occidentalisation à marche forcée sans que cela ne suscite aucune difficulté ou presque. A partir du moment où les Japonais ont commencé à se vêtir comme les Anglais ou les Français, les Occidentaux ont cru que le pays du Soleil-levant avait délibérément tout oublié de son passé pour tout copier. Mais c’est oublier le vieil adage selon lequel l’habit ne fait pas le moine. “Il m’est vite apparu que la société japonaise était très conflictuelle, bien loin du consensus qui semble la caractériser. A la fin du XIXe siècle, il existe une conflictualité sociale très forte déjà présente pendant la période précédente, mais la nouveauté à l’époque est liée au fait qu’un certain nombre de personnes – des journalistes, des intellectuels –...