Alors que 1Q84 paraît en France, l’autre Murakami sort au même moment un très beau roman sur la société japonaise. Consacrer un dossier à Murakami Haruki sans évoquer l’autre Murakami, à savoir Ryû, cela aurait été presque inconvenant. Les calendriers des sorties littéraires en France nous permettent de ne pas faire offense à cet autre grand écrivain contemporain, homonyme du premier, qui malgré ses qualités n’a pas connu la même fortune notamment hors des frontières de l’archipel. Pourtant, Haruki n’aurait peut-être pas entamé la carrière d’écrivain qu’on lui connaît sans le talent de Ryû. Comme le rappelle Jay Rubin, traducteur anglais de Haruki et auteur de la remarquable biographie Haruki Murakami and the music of words [Haruki Murakami et la musique des mots, éd. Vintage, inédit en français], l’auteur de Kafka sur le rivage ne s’est vraiment lancé dans l’écriture qu’après avoir lu Les Bébés de la consigne automatique [éd. Philippe Picquier] paru en 1980 et grâce auquel Murakami Ryû a obtenu le prix Noma. “Impressionné par le roman de Ryû, Haruki a su qu’il voulait écrire quelque chose d’aussi fort et de plus intense que les deux premiers petits textes qui lui avaient valu d’attirer l’attention”, note Jay Rubin. On connaît la suite. Les deux hommes ont poursuivi leur parcours romanesque, Haruki, plus âgé de trois ans que Ryû, a multiplié les best-sellers au Japon et dans le monde. L’autre n’a pas démérité en termes de succès au Japon, mais il est vrai qu’il est moins reconnu dans le reste de la planète. La principale raison de ce destin différent tient au fait que Murakami Ryû est un écrivain japonais qui a du mal à se départir de son enracinement nippon à la différence de Haruki qui transcende les frontières. Dès ses débuts, il...