Dans la vie réelle, il s’agit des équipes professionnelles les plus populaires du pays. Les Giants, en particulier, sont souvent comparés aux Yankees de New York pour leur domination sur ce sport. Lorsque Kyojin no hoshi est sorti en 1966, l’équipe était sur le point de remporter le deuxième de ses neuf championnats consécutifs (1965-1973). Un an plus tard, le base-ball, le judo et le volley-ball ont été rejoints par un manga à succès consacré à la boxe : Ashita no Joe (Ashita no Jô, éd. Glénat). Manga supokon par excellence, il raconte l’histoire d’un jeune homme perturbé qui fuit un orphelinat et passe du temps en prison avant de devenir un boxeur célèbre. Plein de sang, de sueur et de larmes, ce manga comprend des épisodes surréalistes comme le moment où l’un des rivaux de Joe – qui est en fait trois classes de poids au-dessus de lui – suit un programme de perte de poids suicidaire juste pour être capable de le défier sur le ring (le pauvre garçon décède évidemment à la fin du match). Un autre concurrent sérieux, Carlos Rivera, souffre de lésions cérébrales permanentes après avoir été éliminé par le champion du monde Jose Mendoza. Le dernier match entre Joe et Mendoza est un combat incroyablement brutal, les deux hommes tombant plus d’une fois. Finalement, Mendoza remporte sur le fil la victoire aux points, ses cheveux étant devenus blancs à cause du stress. Quant à Joe, il meurt de ses blessures. Son entraîneur le retrouvant assis au coin du ring, un sourire aux lèvres. Joe s’est imposé instantanément comme une icône culturelle chez les jeunes travailleurs et les étudiants, dans la mesure où le manga illustrait la lutte des classes inférieures dans les années 1960 et les sacrifices imposés à la société japonaise pendant la reconstruction d’après-guerre. L’histoire et ses personnages sont devenus si populaires que des centaines de fans se sont habillés en noir pour pleurer la mort de Rikiishi, l’un des rivaux de Joe, tandis que Kôdansha, l'éditeur du manga, a été inondé de lettres de condoléances et de gerbes funéraires. Le poète et dramaturge Terayama Shûji a écrit un essai Dare ga Rikiishi wo koroshita ka [Qui a tué Rikiishi ?] dans lequel il a souligné que Joe – qui avait réellement perdu ce match – prévoyait d’utiliser l’argent de la victoire pour nettoyer les bidonvilles et construire des hôpitaux, des dispensaires et des appartements. L’auteur a par la suite organisé des funérailles au siège de Kôdansha qui ont été menées par un vrai prêtre bouddhiste. Les années 1970 ont vu d’autres disciplines rejoindre avec succès les rangs des mangas sportifs, parmi lesquelles le sumo avec notamment la longue série Notari Matsutarô publiée entre 1973 et 1993, puis à nouveau en 1993-95 et le golf avec Pro Golfer Saru. Le manga consacré à la course automobile Sâkitto no ôkami [The Circuit Wolf] a été à l'origine de l’essor des supercars dans tout le pays, tandis que le manga de tennis le plus vendu Jeu, set et match ! (Êsu wo Nerae!) est considéré à ce jour comme l’un des mangas sportifs les plus influents de tous les temps. Bien qu'il s'agisse d’un manga shôjo consacré à un sport européen “exotique” et à la mode, Jeu, set et match ! possède néanmoins toutes les caractéristiques d’une histoire supokon typique, y compris le sacrifice de l’amour sur...