
L’année du Serpent sera-t-elle aussi celle du saké ? Avec l’inscription de sa méthode de fabrication traditionnelle au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, l’Exposition universelle d’Osaka mettra la gastronomie japonaise sous les projecteurs du monde entier.
En décembre dernier, le Japon levait son verre à une bonne nouvelle : l’inscription du « savoir-faire traditionnel et des compétences de fabrication du saké » au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Cette méthode ancestrale de production de l’alcool de riz a ainsi rejoint la liste de l’UNESCO, aux côtés de la cuisine washoku (2013), du théâtre kabuki (2008), de l’architecture en bois traditionnelle (2020), entre autres. Comme dans l’art culinaire ou dans celui de la scène, c’est à la fois une tradition intimement liée à la culture japonaise et un savoir-faire précis qui sont mis en avant.
UNE EMPREINTE CULTURELLE
Deux mois plus tard, à Bruxelles, le Japon avait choisi un lieu chargé d’histoire, au cœur d’un pays réputé pour ses riches traditions brassicoles, pour célébrer l’événement. Dans un salon Art nouveau de l’hôtel Corinthia, datant de 1909, les artisans de la candidature à l’UNESCO étaient rassemblés pour saluer sa réussite, aux côtés de leurs homologues de la Belgian Brewery Association, qui avait porté le projet de reconnaissance de la culture de la bière belge par l’UNESCO en 2016. « Le saké imprègne la culture japonaise. Ses empreintes sociales et culturelles sont profondes », explique MONJI Kenjirô, un ancien ambassadeur du Japon à l’UNESCO. Honoré du titre de « Sake Samouraï », M. MONJI évoque les nombreuses références à cette boisson japonaise, depuis les récits du Japon ancien comme le Kojiki (VIIIe siècle) jusqu’à de nombreux albums de manga contemporains, en passant par les estampes de Hokusai ou Hiroshige. Il cite également les rituels agricoles, les mariages, les bénédictions et d’autres moments du calendrier japonais où « le saké revêt une fonction précise. Ce n’est pas une simple boisson alcoolisée, c’est une partie de notre culture ! », indique le diplomate.




TOJI ET KOJI
La fabrication traditionnelle du saké repose sur trois savoir-faire : la préparation des matières premières, la production du kôji et la maîtrise de la fermentation. Ces techniques se sont développées dans tout le Japon en s’adaptant aux particularités climatiques et culturelles de chaque région. Elles ont ainsi été transmises au fil du temps dans la production du saké, du shôchû, du mirin et d’autres boissons fermentées, toutes ayant en commun l’usage du kôji.
Dans la décision de l’UNESCO, deux mots-clés ressortent. Le premier, c’est « tôji » (杜氏) : le « maître brasseur », un gardien des traditions qui s’occupe de la production du saké dans les brasseries. On en dénombre aujourd’hui environ 1 500 au Japon. Le second, c’est « kôji » (麹), le champignon essentiel à la fermentation du riz, associé à de nombreux savoir-faire. « Ces méthodes de fermentation sont uniques et le fruit d’une longue expérience », explique KONISHI Shin’emon, président de l’Organisation pour la préservation du savoir-faire traditionnel japonais du saké au kôji (Preservation Society of Japanese Koji-Based Sake Making Craftsmanship) et quinzième président de la brasserie familiale Konishi Shuzo, fondée en 1550. Selon lui, le savoir-faire millénaire de fabrication du saké repose sur la fermentation parallèle multiple, un procédé qui permet de transformer simultanément l’amidon du riz en sucre, puis le sucre en alcool. « C’est tout cela qui a compté pour l’UNESCO », confie M. KONISHI avec une fierté discrète, avant de proposer de trinquer avec l’une de ses plus belles réussites : un saké rare, reconstitué à partir de documents datant de l’époque Genroku (ère Edo), au XVIIe siècle.


BIERE ET SAKE, HISTOIRE D’UNE AMITIE
La Belgique aussi s’y connaît en fermentation, produisant sa bière selon quatre méthodes distinctes : à basse température pour la pils, à haute température pour les ales, par méthode mixte pour la bière rouge et la « vieille brune » de Flandre, et par fermentation spontanée pour la plus ancienne d’entre elles, le lambic. Cette méthode ancestrale a permis à la bière belge d’intégrer en 2016 la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, où elle se réjouit aujourd’hui d’accueillir son homologue japonais. « Pour nous aussi, le savoir-faire de la fermentation est une chose essentielle », explique un spécialiste de la boisson nationale belge, Krishan Maudgal, soulignant la manière dont elle s’inscrit, elle aussi, dans la culture. On voit des buveurs de bière sur les peintures flamandes du XVIIe siècle ! Et beaucoup de musées sont aussi dédiés à ses traditions. En matière de fermentation, nos deux pays ont beaucoup à s’apprendre ! », conclut-il avec un sourire. MONJI Kenjirô le confirme : un producteur de saké du Tôhoku, dans le nord du Japon, s’est même rendu en Belgique pour s’inspirer des méthodes traditionnelles de fabrication de la bière, allant jusqu’à accueillir dans sa propre brasserie des spécialistes de la bière belge.

LE SAKE A L’EXPO 2025
On connaît Bruxelles pour son symbole architectural, l’Atomium, construit au nord de la capitale belge pour l’Exposition universelle de 1958. Le Japon a également accueilli plusieurs Expos, notamment à Osaka en 1970, puis à Aichi en 2005. Cette année marque le retour de cet événement mondial à l’occasion d’Exposition universelle 2025 – Osaka Kansai où un stand mettra en avant le saké ainsi que d’autres produits élaborés avec des savoir-faire traditionnels inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Ce sera l’occasion parfaite pour explorer la diversité et la finesse des sakés japonais.

RÉCEPTION





Quatre éléments clés sur le saké japonais
1/ Taux de polissage du riz :
Ce taux représente le pourcentage de riz restant après avoir enlevé les couches extérieures des grains. Ainsi, un saké ginjo présente un taux de polissage inférieur à 60 %, tandis que pour un daiginjo, ce taux est inférieur à 50 %.
2/ Taux d’alcool
Le saké japonais affiche généralement un taux d’alcool autour de 15 degrés.
3/ Températures de dégustation du saké
Selon le type et les préférences, le saké peut être dégusté à température ambiante, servi froid, ou encore réchauffé. En automne et en hiver, les sakés chauds sont une habitude réconfortante : on peut les déguster tiède (20°, le saké shitsu-on), réchauffé (40°, nuru-kan), voire presque brûlant (50°, atsu-kan).
4/ Régions productrices de saké
Le saké est produit dans tout le Japon, mais les préfectures de Hyogo, Kyoto et Niigata se distinguent par leurs volumes de production particulièrement élevés.