Quelques semaines après la sortie en librairie de Creepy, il est possible de voir son adaptation cinématographique.
On dit que le Japon est un pays sûr mais on exagère toujours. Ce pays n’est pas aussi sûr qu’on le dit.” C’est en ces termes que le chef-inspecteur Nogami du premier bureau des enquêtes de l’Agence nationale de Police s’exprime dans les premières pages de Creepy, roman de Maekawa Yutaka que Les Editions d’Est en Ouest viennent de faire paraître. La jeune maison d’édition implantée à Kyôto poursuit donc son travail de défrichage pour proposer aux amateurs de polars quelques perles parmi les nombreuses que l’archipel compte dans ce domaine. Et les auteurs japonais ont de quoi nous surprendre avec des histoires prenantes où l’on découvre effectivement que le pays du Soleil-levant n’est pas aussi tranquille qu’il y paraît.
Quand le policier Nogami prononce ces paroles devant Takakura, son ancien camarade de classe qui enseigne à l’université, il ne s’imagine sans doute pas, qu’il sera lui-même victime d’un meurtre. Enquêtant sur la disparition de trois membres d’une même famille dans la banlieue de Tôkyô, il s’intéresse de près au comportement du voisin de Takakura, un certain Nishino. Cet homme pour le moins étrange vit avec une collégienne qui, un jour, confie qu’il n’est pas son père. Au fil des pages, Maekawa Yutaka distille de nouveaux éléments troublants qui plongent le lecteur au cœur d’une enquête prenante où les rebondissements sont nombreux. Le portrait psychologique de chacun des personnages est parfaitement ciselé et le romancier donne en même temps quelques éléments d’analyse sur la société actuelle, ce qui ajoute à l’intérêt de ce roman policier que l’on ne lâche pas facilement une fois que l’on s’en est emparé.
Hasard du calendrier, au moment où ce polar paraît en France (il a été publié en 2012 au Japon), son adaptation cinématographique sort sur les écrans français. Kurosawa Kiyoshi, qui en est le réalisateur, a choisi de s’en inspirer librement plutôt que de suivre à la lettre son déroulement sans doute peu propice à un découpage pour le cinéma. Celui qui nous avait déjà régalés avec Shokuzai en 2012 a en effet trouvé une parfaite manière de conserver et de renforcer le caractère prenant de l’histoire où les disparitions se multiplient. En s’entourant d’acteurs de grand talent, le cinéaste a réussi son pari de construire un film tout aussi prenant que le roman. Mention spéciale pour le génial Kagawa Teruyuki qui incarne parfaitement Nishino avec sa personnalité troublante. Le comédien le campe on ne peut mieux et prouve une nouvelle fois qu’il est une des grandes valeurs de la profession au Japon. Avec ce film sorti, il y a tout juste un an dans les salles obscures de l’archipel, Kurosawa Kiyoshi fait encore la démonstration de son savoir-faire à construire des ambiances parfois angoissantes. Il semble tenté de manipuler le spectateur comme le fait Nishino avec ceux qui cherchent à l’approcher. “J’aime le fait qu’une histoire se transforme progressivement en quelque chose de fantastique”, confie le réalisateur. On ne s’ennuie pas une seule seconde avec ce film qui se déroule dans une banlieue tranquille, trop tranquille, comme le note Nogami.
Gabriel Bernard
Références
CREEPY de Maekawa Yutaka, trad. par Sylvain Cardonnel, coll. Polar, Les Editions d’Est en Ouest, 20 €.
CREEPY de Kurosawa Kiyoshi,avec Kagawa Teruyuki, Nishijima Hidetoshi, Takeuchi Yuko. 2h10. En salles le 14 juin.