Autour de la station de Shirokane-Takanawa, à Tôkyô, il existe plusieurs endroits où les fantômes aiment flâner.
De nos jours, l’arrondissement de Minato est très connu pour abriter certains des endroits les plus lugubres de Tôkyô, tels qu’Odaiba ou encore Roppongi (voir p. 11). Cependant, ce quartier a également joué un rôle non négligeable dans l’histoire de la ville (et du pays) et, plus important encore pour nous, ses quartiers situés les plus au sud (en particulier Mita et Takanawa) ont longtemps été entourés de mystère et de sang.
Nous prenons le métro jusqu’à la station de Shirokane-Takanawa. Après cinq minutes de marche, nous arrivons à un petit panneau en bois au pied d’une colline. Il marque le début de Yûrei-zaka ou Côte des fantômes. Cela fait au moins deux siècles qu’elle porte ce nom. Il y a plusieurs temples des deux côtés du chemin où chacun d’entre eux possède un cimetière qui lui est rattaché. Voilà pourquoi on présente cet endroit comme propice à la rencontre de fantômes et de hitodama. Les hitodama, littéralement “les âmes humaines”, sont des boules qui se forment à partir de l’âme. Elles apparaissent quand quelqu’un meurt, au moment où l’âme se sépare du corps. En raison des nombreux et terribles désastres qui ont endeuillé Tôkyô lorsqu’elle s’appelait encore Edo, des fantômes ont été aperçus dans toute la ville. Pour bon nombre d’habitants, ces lieux sont si effrayants que les temples qui bordent la colline possèdent de multiples portes si bien que même les prêtres utilisent des issues alternatives afin d’éviter Yûrei-zaka après la tombée de la nuit.
Après environ 100 mètres de montée, sur la droite, nous apercevons une petite alcôve en bois rouge à côté de l’entrée d’un temple. A l’intérieur, on y trouve Keshô Jizôson ou Bouddha du maquillage. Il s’agit en fait d’un jizô ou bodhisattva qui prend soin des enfants et des voyageurs. La statue a été abandonnée lors du déplacement d’un temple dans le nord d’Edo au XVIIe siècle, et son visage a été abîmé. Les prêtres du nouveau temple l’ont recouvert d’un maquillage blanc et un nouveau rite est apparu. Désormais, les gens viennent et utilisent le pinceau à poudre qui est placé devant le Bouddha pour lui appliquer du talc afin de lui donner l’air attrayant dans le but de voir leur souhait exaucé. À côté de la statue, les produits de maquillage sont nombreux et il y a un cahier dans lequel les personnes expriment leurs désirs comme, par exemple, “je veux un nez plus beau” ou “s’il vous plaît, débarrassez-moi de mon acné”.