L’évolution des mentalités est souvent évoquée pour justifier le recul démographique. Toutefois, ne faut-il pas aussi chercher du côté d’une poussée de la précarité dans l’Archipel ?
M. J. : J’ai encore en mémoire une enquête qui montre que plus personne ne peut s’offrir plus de deux enfants. 44,6 % des personnes interrogées en 2010 disaient déjà qu’un enfant coûtait trop cher à élever pour en avoir plus de deux. Si l’on considère que 56,4 % des parents souhaitent que leurs enfants accèdent à l’enseignement supérieur, l’investissement minimum se chiffre entre vingt et quarante millions de yens par enfant, le double si vous en avez deux…
Un ami psychiatre Saitô Satoru, dont je suivais les cours sur le mal de la masculinité quand j’écrivais Homo Japonicus (éd. Philippe Picquier), préconisait déjà, il y a vingt ans, d’encourager les naissances hors mariage (qui ne dépassent toujours pas les 2,3 % dans l’Archipel). Si sa proposition n’a pas eu d’écho, c’est parce que les mères célibataires (ou divorcées avec enfant(s)) vivent en dessous du seuil de pauvreté avec un revenu annuel évalué à 2,4 millions de yens, alors que le revenu médian se situe à 4,2 millions de yens. C’est ce qui explique que les Japonais ne bouleversent guère l’ordre qui veut qu’on commence par avoir un diplôme et un travail avant de songer au mariage puis à la procréation (voir Zoom Japon n°73, septembre 2017 et n°87, février 2019).