Le Parc de la paix de la préfecture d’Okinawa a été créé le 15 mai 1972. / Gianni Simone pour Zoom Japon Pour Oka Norimatsu Satoko, il y a encore beaucoup à faire pour réconcilier Okinawa et la métropole. Cinquante ans après la rétrocession d’Okinawa au Japon, de nombreux problèmes attendent toujours d’être abordés et résolus, notamment les relations problématiques de la préfecture avec la métropole. Zoom Japon s’est entretenu avec Oka Norimatsu Satoko sur l’histoire d’Okinawa, la guerre et les politiques discriminatoires du gouvernement japonais à son égard.Née à Tôkyô mais résidant depuis longtemps au Canada, elle a passé plus de 20 ans à écrire, faire des recherches, donner des conférences et éduquer sur des sujets tels que la paix, la mémoire historique, les responsabilités de la guerre, les droits de l’homme, les bases militaires et les questions nucléaires, principalement dans la région Asie-Pacifique. Fin 2006, elle a créé le Peace Philosophy Centre. Elle est également rédactrice en chef de l’Asia-Pacific Journal : Japan Focus. Parmi ses nombreux ouvrages, elle a coécrit avec Gavan McCormack Resistant Islands : Okinawa Confronts Japan and the United States (Rowman and Littlefield, 2018). Le 15 mai 2022 marquera les 50 ans de la restitution d’Okinawa au Japon après l’occupation américaine. Pendant de nombreuses années, vous avez étudié l’histoire des îles et parlé à leur population. Que pensent les Okinawaïens de cet anniversaire ?Oka Norimatsu Satoko : C’est une grande question. D’après ce que j’ai compris en discutant avec mes amis d’Okinawa et en lisant les journaux de l’île, il s’agit certainement d’une étape importante et, selon moi, elle incite les habitants à réfléchir à ce qu’Okinawa est devenue au cours du dernier demi-siècle, depuis qu’elle a été rendue au Japon après 27 ans d’occupation militaire américaine. Les médias d’Okinawa et de la métropole ont publié des articles spéciaux et des enquêtes pour marquer cet anniversaire.Ce que je peux dire avec certitude, c’est que les habitants, de gauche à droite, ressentent le lourd poids de la présence militaire américaine (et japonaise), bien que peut-être à des degrés différents selon leur inclinaison politique et leur génération. Si vous avez lu Resistant Islands : Okinawa Confronts Japan and the United States, vous savez probablement comment tant d’Okinawaïens se sont sentis trahis par l’accord entre le Japon et les États-Unis. Il n’a non seulement pas permis de libérer Okinawa des bases militaires américaines, mais il les a renforcées en les incorporant dans le traité de sécurité nippo-américain. L’espoir que le principe de kakunuki-hondonami (sans armes nucléaires comme la métropole) serait appliqué à la nouvelle préfecture a été brutalement trahi lorsque le Japon et les États-Unis ont signé un accord secret selon lequel, en cas d’“urgence”, le Japon autoriserait les États-Unis à réintroduire des armes nucléaires dans ce pays.Comme il est écrit dans le livre, il est bien connu que Yara Chôbyô, le premier gouverneur démocratiquement élu d’Okinawa, est venu à Tôkyô le 17 novembre 1971, pour soumettre le Kengisho (liste de demandes pour promouvoir la paix et l’autonomie d’Okinawa), soigneusement élaboré, à la Diète qui délibérait sur le texte concernant le retour d’Okinawa dans le giron japonais, mais le parti au pouvoir, le Parti libéral démocrate (PLD), a adopté de force l’accord avant l’arrivée du gouverneur. Cette histoire est profondément gravée dans l’esprit de nombreux habitants d’Okinawa comme un symbole de la désinvolture du gouvernement japonais à l’égard des droits à l’autodétermination des îles.Les exigences de la proposition Yara et son esprit sont toujours bien vivants, et certains affirment qu’elle est toujours juridiquement valable. Cette année, à l’occasion du 50e anniversaire de la rétrocession d’Okinawa au Japon, l’actuel gouverneur Tamaki Denny envisage de la rééditer (voir pp. 6-8).Dans vos écrits, vous soulignez souvent qu’Okinawa, tout au long de son histoire, a été souvent discriminé par le gouvernement japonais. Pouvez-vous en donner quelques exemples ?O-N. S. : Il est difficile d’en citer quelques-uns, mais Okinawa (et le Royaume des Ryûkyû avant cela) a connu un processus d’assimilation forcée similaire à celui de nombreux peuples colonisés et/ou autochtones dans le reste du monde. Ils ont été “encouragés” (c’est-à-dire forcés) à abandonner leur culture, leur patrimoine, leur religion et leur langue pour être de bons sujets de l’empereur. Beaucoup ont changé leur nom pour des noms plus communs à consonance japonaise. Les enfants n’avaient pas le droit de parler leur langue maternelle à l’école et s’ils le faisaient, ils devaient porter une honteuse “plaque de dialecte”. Pour de nombreux Okinawaïens, en particulier les générations plus âgées, le fait que les insulaires aient été assimilés à de fidèles sujets de l’empereur et qu’ils aient pourtant été cruellement sacrifiés et ...