
Pénurie passagère ou appelée à durer ? C’est la question que se posent de nombreux consommateurs.
Le Japon manque de riz. Cette phrase paraîtra étrange, mais c’est la réalité. L’année dernière, le manque s’est fait sentir avant la saison de la récolte, en été, et le prix du riz a subi une hausse. L’Etat a tenté de rassurer la population en affirmant que c’était une situation passagère, juste avant la moisson, mais le phénomène de pénurie perdure cet hiver encore, et le prix ne cesse d’augmenter. L’automne dernier, le tarif était déjà 158 % plus élevé que l’année précédente (27 euros/5 kg) à la même période, un pourcentage qui atteignit les 190 % en février, selon les statistiques du ministère de l’Agriculture. Et même à ce prix, il n’est pas évident d’en trouver dans tous les commerces, parfois les rayonnages sont vides.
Les médias et l’Etat tentent de trouver des explications : la consommation de riz se serait accrue du fait de la reprise du tourisme après la fin de la pandémie ; ce serait dû à de mauvaises récoltes, ou ce serait à cause des dérèglements climatiques, comme la grande chaleur, les pluies torrentielles de l’année dernière et la profusion d’insectes nuisibles. On peut également supposer que les commerces et les foyers individuels qui ont connu la pénurie de l’été 2024 ont fait plus de stock que d’habitude en prévision d’une situation identique, et c’est ce qui aurait causé ce manque.
Mais comme c’est souvent le cas au Japon, avec le manque de beurre par exemple, le problème est plutôt structurel. En 1942, face à la pénurie de nourriture pendant la guerre, l’Etat a pris le contrôle de l’alimentation, et notamment du riz. L’Etat achetait le riz à un prix fixe et le vendait aux Japonais à un prix abordable. Mais avec l’augmentation de la production, il s’est retrouvé avec un surstock et un budget considérable alloué uniquement au riz. Ce système a existé jusqu’aux années 1990. Ensuite, pour réguler le surplus de production, le gouvernement a demandé la réduction des surfaces de rizières (cette mesure a été abolie, mais la subvention pour les riziculteurs qui convertissent leurs rizières pour cultiver d’autres choses existent encore). De fait, la surface rizicole ne fait que diminuer depuis, et cette situation crée une fragilité ; il suffit qu’il y ait une légère augmentation de consommation, ou de mauvaises récoltes pour qu’il y ait pénurie de riz.
Cette situation frappe bien évidemment les foyers modestes. En ce moment, les consommateurs n’ont pas d’autres choix que d’aller d’un magasin à l’autre pour chercher du riz, et en acheter au prix fort, sans pouvoir choisir leurs marques ou leurs provenances favorites (au Japon, le riz est le produit de terroir par excellence, chacun donc choisit son riz non seulement en fonction de son prix, mais aussi de son goût, sa texture, ou sa région).
Certains pessimistes s’alarment en disant que la hausse du prix ne va pas s’arrêter, même cette année, car en dehors du problème de stock, les agriculteurs souffrent à cause de la montée du prix mondial des machines agricoles, du gasoil et des engrais. Selon le quotidien Yomiuri Shimbun, les consommateurs remplacent le riz par les nouilles udon, soba, pasta et par du pain, sans pouvoir les troquer contre les légumes, dont les prix ont fait un bond, depuis l’année dernière, de 120 % à 270 %.…
Sekiguchi Ryôko