Décédé le 15 janvier à l’âge de 80 ans, le réalisateur de L’Empire des sens laisse une trace immense dans le cinéma mondial. Ôshima Nagisa, cinéaste unique en son genre, et précurseur de ce que la critique française appela la "Nouvelle vague japonaise" dans les années 1960-70, a discrètement tiré sa révérence le 15 janvier dernier, à l'âge de 80 ans victime d'une pneumonie, à l'hôpital de Fujisawa, après des années de paralysie, suite à un accident vasculaire cérébral en 1996, qui le laissa cloué sur une chaise-roulante… Sa disparition, survenant quelques semaines après celle de son ami Wakamatsu Kôji (qui fut producteur sur L'Empire des Sens, voir Zoom Japon n°25, novembre 2012) , entérine la fin de toute une époque, celle du cinéma japonais rebelle et créatif, où triomphaient l'anti-réalisme et l'imaginaire débridé, contre le courant du cinéma "classique" réaliste et social des années 1950. Ceux qui l'ont bien connu (dont j'ai eu la chance de faire partie dans les années 1960-70 et jusqu'à son dernier film. Tabou (Gohatto, 2000) se rappellent évidemment sa forte personnalité anti-conformiste, ses assertions radicales et son rire homérique, qui n'épargnaient presque personne ! Bien avant son film le plus célèbre , le "scandaleux" L'Empire des sens (Ai no korida, 1976), plus facile à voir à Paris qu'à Tôkyô, où il fut impitoyablement censuré pour "pornographie", tandis que son auteur endurait un long procès, Ôshima avait déjà largement défrayé la chronique du cinéma nippon, en claquant la porte de la Shôchiku, en 1960, où il avait fait ses débuts comme assistant (notamment de Nomura Yoshitarô et de Ôba Hideo) puis comme réalisateur en 1959, avec l'hyper-réaliste Le Quartier de l’amour et de l'espoir (Ai to kibô no machi). La période Shôchiku sera brève. Après deux films bourrés d'énergie vitale en 1960, L'Enterrement du soleil (Taiyô no hakaba), et surtout son célèbre Contes cruels de la jeunesse (Seishun zankoku monogatari), film phare de la "Nouvelle vague" de la Shôchiku, avec les premiers films de Yoshida et Shinoda, Ôshima signe le brûlot politique Nuit et Brouillard du Japon (Nihon no yoru to kiri), en référence au fameux film d'Alain Resnais. Il y règle son compte à une certaine gauche japonaise, en plein milieu de la contestation anti-américaine par la jeunesse radicale. La Shôchiku ayant retiré le film de l'affiche au bout de quatre jours, le jeune Ôshima, alors âgé de 28 ans, quitte le studio avec fracas, et entame une carrière atypique, signant des films très différents de sujets et de style. Il crée en 1965 sa propre société, la Sôzô Sha, avec l'aide de sa femme , l'actrice Koyama Akiko, qui joue dans la plupart de ses films. Les films "osés" et radicaux, à connotations sexuelles et politiques, s'enchaînent, des Plaisirs de la Chair (Etsuraku, 1965) au Traité des chansons paillardes japonaises (Nihon Shunkakô, 1967), et à La Pendaison (Kôshikei, 1968), où il attaque...