Compilée en 712, la “Chronique des faits anciens” est un monument de la culture japonaise qu’il est temps de découvrir. Tour à tour cosmogonie, théogonie, épopée, manuel d’histoire et recueil de chansons, embrassant d’un même mouvement la naissance des dieux et des cultes qui leur sont dus, de la Terre et des noms qui y fourmillèrent, des hommes et des vers qui leur vinrent à la bouche, le Kojiki est un livre total”. C’est en ces termes que l’éditeur français de la “Chronique des faits anciens”, revue et adaptée par l’écrivain français Pierre Vinclair, présente cet ouvrage monumental de la culture japonaise. Compilé en 712, il y a exactement 1300 ans, ce recueil occupe une place essentielle dans l’histoire et la littérature nippone. Divisé en trois volumes, le Kojiki commence par le récit de la création du Ciel et de la Terre, la naissance des dieux et de la formation des îles japonaises sans oublier les rapports entre les dieux et leurs différentes actions. Il s’intéresse aussi aux empereurs semi-légendaires du pays, à commencer par l’empereur Jimmu avant de terminer par les empereurs historiques dont l’impératrice Suiko qui régna de la fin du VIème au début du VIIème siècle. Il faut bien comprendre le rôle de cet ouvrage dans la légitimisation du pouvoir impérial selon lequel les empereurs seraient des descendants directs des dieux. D’ailleurs dans l’introduction du Kojiki, il est écrit que l’empereur Temmu, en ordonnant la compilation de ce recueil, aurait déclaré : “Ce livre est l’ossature de l’Etat, le fondement de l’influence impériale”. Par la suite, aucun empereur n’a remis en cause cette approche. Ce n’est qu’à la suite de la défaite du Japon en 1945 que l’empereur a perdu son caractère divin. Une grande partie du Kojiki est consacrée à la lutte que se livrent Amaterasu, la déesse solaire, et Susanoo, le dieu des tempêtes qui se traduit par le bannissement de ce dernier sur la terre. On y trouve également les actions de Susanoo sur terre qui devient un dieu bon alors qu’il était méchant au ciel. Enfin on y parle de ce que fait Ôkuninushi, le fils de Susanoo dans la province d’Izumo située à l’ouest de l’archipel. C’est à cet endroit qu’a été fondé le sanctuaire éponyme dédié à Ôkuninushi. Il s’agit de l’un des plus anciens sanctuaires shintoïstes de l’archipel. En 2013, une grande cérémonie aura lieu pour célébrer le retour de l’esprit d’Ôkuninushi qui avait dû déménager ces derniers temps en raison des travaux de rénovation qui sont menés dans le sanctuaire. L’importance de la région est caractérisée par le nombre conséquent (environ un tiers) de mythes qui lui sont rattachés. En dépit de cela, le Kojiki va s’attacher à donner sa légitimité à la lignée impériale issue d’Amaterasu. Il s’agit de l’histoire de la “reddition du pays” qui permet à cette dernière de prendre le dessus. C’est ainsi que Ninigi, le petit-fils de la déesse solaire, descend sur terre et fonde la cour de Yamato tandis que son arrière-petit-fils, l’empereur Jimmu fonde la lignée des dirigeants qui constituent une lignée impériale continue. C’est une situation pour le moins singulière dans l’histoire du monde, mais les Japonais ne remettent pas en cause ces mythes fondateurs, en dépit du fait qu’ils ont sans doute été manipulés pour répondre aux besoins politiques de l’époque. Il n’empêche que ce recueil vieux de 1300 ans est un des textes les plus anciens de l’archipel et qu’il permet de mieux comprendre les fondements de la pensée japonaise. Le penseur Katô Shûichi rappelle que “les parties les plus belles et les plus inspirées du Kojiki ont presque toujours rapport à l’amour, surtout celles qui concernent la...