En 2019, Hasegawa Chisa a tourné dans 6 pinku eiga. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Les “films roses” sont un des piliers de la production cinématographique au Japon. L’une de ses actrices raconte. Nulle part ailleurs qu’au Japon” est une expression souvent utilisée pour mettre en avant la culture supposée unique et quelque peu bizarre de l’Archipel. Au niveau cinématographique, il y a le pinku eiga ou roman porno (nom donné par le studio de la Nikkatsu à ses pinku eiga)Les "films roses" sont une forme uniquement japonaise de pornographie soft qui, bien que contenant plusieurs scènes de sexe et de nus, ne montrent jamais explicitement les organes génitaux, les poils pubiens ou les rapports sexuels hardcores. Ils sont généralement produits par de petites sociétés indépendantes et sont diffusés dans des cinémas spéciaux en triple facturation. Depuis que Kobayashi Satoru a réalisé Nikutai no Ichiba (Flesh Market) en 1962, les films roses sont devenus un pilier du cinéma nippon, et ont même rassemblé leur part d’amateurs à l’étranger.En termes de production, les films roses peuvent difficilement rivaliser non seulement avec les superproductions hollywoodiennes, mais aussi avec les films japonais grand public. Ce que peut accomplir un film de ce genre est sévèrement limité par son budget minuscule : un maigre trois millions de yens. En revanche, les réalisateurs jouissent d'une grande liberté de création. En effet, ces productions sont un vivier de nouveaux talents qui, dans de nombreux cas, sont capables de faire le saut vers les films grand public. La liste des anciens réalisateurs de films roses est longue et variée et inclut Takita Yojirô qui a réalisé la longue série de comédies légères Chikan densha [Le train du peloteur] avant de remporter l’Oscar 2009 du meilleur film en langue étrangère avec Departures (Okuribito). L’un des chouchous des festivals de cinéma européens est Kurosawa Kiyoshi (voir Zoom Japon n°30, mai 2013), qui a remporté deux prix à Cannes dans la section Un Certain Regard et qui a reçu cette année le prix de la meilleure réalisation à Venise. Mais son tout premier film, en 1983, était un film rose : Kandagawa Inran Sensô (Kandagawa Pervert Wars).Les sociétés de production de pinku eiga sont toujours à la recherche de nouveaux talents pour satisfaire leurs fans inconditionnels. L’actrice Hasegawa Chisa a récemment été recrutée. Née dans la préfecture de Kôchi, sur l’île de Shikoku, elle s’est installée à Tôkyô à 18 ans pour ses études, et a commencé à étudier l’art dramatique tout en fréquentant la prestigieuse université de Waseda. Après avoir obtenu son diplôme, elle a joué dans des productions théâtrales et des films indépendants, notamment Yûutsu na Hana [Fleur de mélancolie], un court métrage présenté au Festival du microfilm de Shibuya en 2018 pour lequel elle a remporté le prix de la meilleure actrice. “Ce film contenait une scène de nu”, raconte-t-elle. “Lors de l’avant-première, j’ai été approchée par le réalisateur expérimenté Ikejima Yutaka qui m’a dit : “Si vous n’avez aucun problème à être nue dans un film indépendant, pourquoi n’essayez-vous pas plutôt des films roses ? (rires). C’est comme ça que j'ai commencé”.Elle a tourné ses deux premiers films avec lui, qu'elle considère comme son mentor, et a remporté l’année dernière le prix de la nouvelle actrice lors du Grand Prix rose annuel. Ikejima “Mr. Pink” Yutaka est considéré comme le cinéaste rose qui a le plus de succès. Après avoir rejoint le groupe théâtral Tenjô Sajiki de Terayama Shûji à la fin des années 1970, il a fait ses débuts comme acteur de cinéma rose en 1981. Aujourd’hui âgé de 72 ans, il a joué dans plus de 500 films et, depuis 1988, en a réalisé quelques 140.En comparant des réalisateurs chevronnés comme Ikejima et la nouvelle vague de créateurs de films roses, Hasegawa Chisa affirme que les deux groupes abordent différemment les scènes d’amour. “Les réalisateurs de la vieille école traitent les scènes d'amour comme une sorte de faveur accordée aux fans”, dit-elle. “Il y a l’histoire d’un côté, et puis, toutes les dix minutes, ils proposent une scène de sexe pour rendre le public heureux. Les réalisateurs plus jeunes, en revanche, ont tendance à traiter les scènes d’amour comme une partie intégrante de l’intrigue. Il doit y avoir une raison de faire l’amour à ce moment précis.” L’actrice à l’entrée du cinéma Okura, haut lieu du cinéma rose dans le quartier d’Ueno, à Tôkyô. / Eric Rechsteiner pour Zoom Japon Bien que les films roses soient des films de sexe, il existe une différence entre eux et les films AV (vidéo pour adultes), l’équivalent japonais des films pornographiques occidentaux. Alors que ce dernier genre est axé sur les scènes de sexe, les films roses sont quelque peu uniques car ils combinent des scènes de porno soft avec de véritables intrigues englobant tous les genres, du drame au thriller...