L’ancien candidat de Top Chef et déjà détenteur d’une étoile au Michelin élabore une cuisine aux accents nippons.
Peut-être avez-vous aperçu à la télévision ce jeune chef au sourire solaire du nom de Mory Sacko. Cet ancien participant de l’émission Top Chef, où son talent a été remarqué, a ouvert un restaurant dans le 14e arrondissement de Paris, le MoSuke, et a décroché une étoile Michelin à peine six mois plus tard.
Et ce n’est pas tout : sa cuisine est librement inspirée des saveurs japonaises. Passionné par le pays du Soleil-Levant depuis son adolescence, il a voulu rendre hommage à Yasuke (voir Zoom Japon n°76, décembre 2017), premier samouraï d’origine africaine du XVIe siècle, à travers le nom de son établissement. Ici, trois univers se côtoient : la France, l’Afrique et le Japon.
Si les intitulés des plats nous font aussitôt remarquer la rencontre entre ces contrées, comme le homard à la sauce miso et à la tomate ou le poulet yassa avec le citrus sudachi, des associations étonnantes, mais bien réussies, l’essentiel de son “voyage gustatif” réside ailleurs.
L’un des plats principaux, le maigre cuit en feuilles de bananier assaisonné aux épices shichimi, nous apporte une atmosphère de moisson, d’ambiance d’été japonais, avec la moiteur de l’air et la verdeur de l’odeur des rizières. Ceux à avoir vécu cette saison au Japon la reconnaîtront : la scène surgit devant nous et nous nous retrouvons entièrement plongés dans ce paysage créé par le chef. C’est sans doute grâce à notre grande capacité d’imagination, la seule qui nous permet de voyager sans forcément nous déplacer, qu’il réussit à nous faire goûter le “Japon”.
Et ces “scènes” sont si évocatrices qu’elles sont partageables par tout un chacun, même par ceux en dehors de ce triangle France-Japon-Afrique. Une Vietnamienne peut tout à fait y reconnaître l’été de son pays (il s’agit ici d’un vrai témoignage), et on oublie justement de préciser que le chef est lui-même issu d’une famille sénégalo-malienne. Il explique d’ailleurs que la certaine sucrosité dans ses plats salés viendrait de son intérêt pour la cuisine caribéenne. Preuve, s’il en faut, qu’une personne est constituée de bien plus qu’une simple origine déterminée à sa naissance. Sa cuisine tient une porte grand ouverte, au-delà du cadre gastronomique. Durant tout l’été et jusqu’au 10 octobre, il s’occupe également d’un restaurant éphémère plus décontracté, le Edo Worldwide Food à Marseille. Il y croise les goûts et les saveurs : aubergine-miso, banane plantain-frites, saumon tempura ou salade de concombres aux algues, pour conclure avec une mousse au chocolat fumé au wasabi en dessert.
C’est une infinie liberté que l’on ressent dans sa cuisine. Un autre terrain, qui sera désormais le nôtre, peut en jaillir.
Basée sur une technique solide, la cuisine de Mory Sacko nous évoque celle de quelques chefs japonais, qui ne restent pas prisonniers de leur identité biologique et interprètent, qui la cuisine de la fermentation des tribus de Chine, qui la cuisine sarde, qui celle de l’époque d’Edo, nous offrant par là même un voyage dans le temps. C’est peut-être sur cette pensée nouvelle, qui apporte un souffle nouveau, que la jeune cuisine au Japon et celle de Mory Sacko se rejoignent.
Sekiguchi Ryôko