Ne manquez pas la sortie de Déménagement, le 25 octobre, afin de (re)découvrir tout le talent d’un cinéaste négligé.
Kore-Eda Hirokazu et Hamaguchi Ryûsuke sont d’accord. Les deux cinéastes japonais, qui trustent désormais la plupart des festivals internationaux, estiment à juste titre que Sômai Shinji (1948-2001) n’a pas bénéficié de la reconnaissance qu’il aurait dû connaître de son vivant. “Depuis ses débuts en 1980, Sômai Shinji est tenu par les cinéphiles japonais en très haute estime, de même qu’il est, disons-le, impossible pour quiconque fait aujourd’hui du cinéma au Japon de ne pas avoir Sômai en tête”, affirme le second tandis que le premier se dit “convaincu qu’au même titre que d’autres cinéastes de sa génération comme Edward Yang, Hou Hsiao-hsien ou Kitano Takeshi, le nom de Sômai Shinji mérite aujourd’hui, plus que jamais, d’être redécouvert.”
Le distributeur Survivance, qui fait un excellent travail d’exploration du cinéma japonais (mais pas que) depuis plusieurs années, contribue à la (re)découverte de ce merveilleux cinéaste grâce à la sortie de Déménagement (Ohikkoshi) en version restaurée 4K dont la qualité a été saluée lors de la récente Mostra de Venise où il a obtenu le prix du meilleur film restauré. Une première récompense 30 ans après sa présentation au Festival de Cannes dans le cadre de la section Un certain regard d’où il était passé inaperçu. Mieux vaut tard que jamais, dit-on. Mais il est vrai que Sômai Shinji et son film auraient dû bénéficier d’une meilleure réception à ce moment-là. En tant que cinéaste, de nombreux critiques l’ont souvent négligé au profit des acteurs présents dans ses films. Or, comme le souligne Kore-Eda, “pour ces stars, jouer dans les films de Sômai aura été l’occasion d’atteindre une qualité de jeu jamais égalée par la suite.” Autrement dit, il a souvent réussi à faire surgir “l’éclat vital” de ses interprètes grâce auquel ses films possèdent une puissance rarement égalée.
Déménagement en est une excellente illustration. On y suit Ren, une adolescente dont les parents viennent de divorcer. Son père déménage, et elle doit s’adapter à cette nouvelle vie voulue par les adultes. Révoltée contre cette décision qu’elle ne comprend pas, elle doit apprendre à grandir et à se réconcilier avec les adultes au cours d’un cheminement qu’il l’amènera aux confins de la réalité. Ce qui distingue ce long-métrage des autres films ayant abordé cette thématique, c’est la capacité de Sômai Shinji à capter la force vitale de sa jeune actrice Tabata Tomoko, épatante dans le rôle de cette fille en révolte et en même temps ouverte au monde pour en comprendre le fonctionnement. “C’est grâce à elle que je me suis dit qu’il était possible de tourner quelque chose de bien à Kyôto”, dira-t-il par la suite pour justifier son choix de poser sa caméra dans cette partie du Japon qui pouvait apparaître comme moins dynamique que Tôkyô. Il ne fait aucun doute que sa présence et la direction d’acteur assurée par le cinéaste vont permettre à Déménagement de favoriser la (re)connaissance de Sômai Shinji en France.
Odaira Namihei
Références
Déménagement (Ohikkoshi), réalisé par Sômai Shinji.
Avec Tabata Tomoko, Nakai Kiichi, Sakurada Junko. 1993. 2h04. Couleur. En salles, le 25 octobre.