Grâce au talent de Tachikawa Yuzuru, Blue Giant, dans son adaptation au cinéma, prend une nouvelle dimension.
Autant le dire d’emblée, Blue Giant d’Ishizuka Shin’ichi, publié au Japon entre 2013 et 2016 dans Big Comic et en France chez Glénat depuis 2018, est sans doute l’un des meilleurs mangas de la décennie écoulée. Son succès dans l’archipel, qui s’est manifesté entre autres par un regain d’intérêt pour le jazz de la part d’un public plus jeune, ne pouvait que se traduire par une adaptation cinématographique, passage obligé pour la plupart des œuvres ayant atteint un certain niveau de notoriété. Au-delà de ce parcours normal du papier à la pellicule, le choix d’en faire un film d’animation se justifie par l’omniprésence de la musique indispensable pour apprécier pleinement cette œuvre. Bien sûr, on pouvait écouter chez soi les disques des jazzmen évoqués par l’auteur, mais c’est bien différent d’avoir en même temps les images et la musique dans une œuvre animée de belle facture.
Réalisée par Tachikawa Yuzuru, à qui l’on doit Détective Conan : L’Exécutant de Zero, vingt-deuxième film tiré de l’œuvre d’Aoyama Gôshô, qui se classa deuxième au box-office nippon en 2018, cette adaptation très réussie sur le plan de l’animation transporte les spectateurs dans une autre dimension grâce à la musique et à la capacité du réalisateur à créer une osmose entre les images et le son. Il s’agit d’une histoire simple sur un groupe d’adolescents, autour du personnage principal Miyamoto Dai, un saxophoniste talentueux mais débutant, qui veulent se produire au So Blue, le meilleur club de jazz du Japon. Si le film vise notamment à mettre en avant la détermination et la persévérance des personnages motivés par leur amour de la musique en suivant l’histoire imaginée par Ishizuka Shin’ichi, il réussit à lui donner une dimension supplémentaire grâce à la musique interprétée par la pianiste Uehara Hiromi. Elle est si convaincante que le spectateur captivé par la performance des musiciens finit par avoir envie d’applaudir en même temps que le public présent dans les salles où se produisent Dai et ses deux acolytes le pianiste Sawabe Yukinori et le batteur Tamada Shunji.
Le réalisateur insiste beaucoup sur cet aspect, en soulignant les réactions du public lors des différents concerts, ce que le manga pouvait rendre difficilement. C’est tout l’intérêt de ce film dont la musique transcende tout et lui permet de se hisser vers les sommets. Ce qui le distingue également, c’est sa capacité à créer un réel intérêt des spectateurs pour le jazz au point que cette expérience de découverte procure une profonde émotion, en particulier auprès d’un public non averti. L’omniprésence de la musique et son haut degré d’attraction sur les spectateurs ne doivent cependant pas gommer quelques imperfections au niveau de l’animation. Autant le travail est parfait dans les séquences de vie quotidienne, autant le recours au graphisme assisté par ordinateur pour les scènes de concert donne un résultat médiocre. Mais nous sommes tellement tentés de fermer les yeux en se laissant transporter par la musique que ce ratage est vite oublié, et qu’on en redemande !
Odaira Namihei
Références
Blue Giant, de Tachikawa Yuzuru, avec les voix de Yamada Yûki, Mamiya Shôtarô, Okayama Amane. 2h. Couleurs. Au cinéma le 6 mars 2024.